Selami Pulaha:
L'Autochtonéité des Albanais en Kosove
et le prétendu exode des Serbes à la fin du XVIIe siècle
Editions "8 Nëntori", Tirana, 1985 |
La question du caractère autochtone des Albanais de Kosove et
puis le prétendu transfert massif des Serbes de cette région à la fin du XVIIe siècle
et par la suite, constituent les problèmes les plus controversés dans
l'historiographie de ces cent dernières années, surtout dans celle des États
voisins et plus particulièrement dans l'historiographie yougoslave.
Parallèlement à l'extension et à l'intensification du Mouvement
national albanais des XIXe et XXe siècles, dont la région de Kosove
constituait déjà un foyer important, dans les Balkans il fut constaté que les États
voisins suivaient une politique chauvine et expansionniste, qui, dépassant les
limites de leur union nationale, visait à créer de grands États aux dépens des
autres peuples opprimés, notamment du peuple albanais. Ces États et plus
spécialement la Serbie, surtout après les années 40 du XIXe siècle,
menèrent une plus vaste activité diplomatique, afin de détacher des parties du
territoire albanais. À cette fin, la monarchie serbe augmenta les publications,
intensifia la presse et l'activité scientifique qui se proposait d'asseoir sur
un fondement soi-disant historique et scientifique la politique spoliatrice
d'occupation que la bourgeoisie grand-serbe appliquait envers le territoire
albanais de Kosove. Ces études s'évertuaient à montrer que la région en
question avait été au Moyen-Âge le centre de l'État serbe et une région habitée
par des Serbes qu'elle continua à l'être jusqu'à la fin du XVIIe et au
début du XVIIIe siècle, lorsqu'à l'issue de la Guerre austro-ottomane
de 1683-1699, une partie de la population serbe qui se rallia à l'Autriche,
aurait remonté vers le Nord, et à sa place vinrent se substituer des Albanais
qui descendaient des zones montagneuses intérieures de l'Albanie du Nord. La
bourgeoisie grand-serbe au pouvoir, s'employait à créer par là la conviction à
l'intérieur du pays et dans les milieux politiques internationaux, que sa
politique spoliatrice d'occupation portant sur le territoire et la population albanais,
avait soi-disant ses propres raisons historiques. C'est ainsi qu'il fut créé
une littérature antialbanaise et non scientifique,
qui lui servit d'argument soutenant "ses droits historiques" sur le
territoire albanais et d'appui théorique dans ses efforts pour opprimer,
assimiler et transplanter les Albanais de Kosove, une fois qu'ils seraient
soumis à la domination serbe. Dans cette littérature typique de la propagande
bourgeoise, qui n'avait rien de commun avec la science et l'objectivité
scientifique, se distinguèrent, dans le passé, des auteurs comme A. Yovitchević, V. Georgević,
T. Stanković, J. Tomić et
d'autres[1].
Or, l'école anthropo-géographique qui fut fondée par
J. Cvijić[2],
et qui préparait une publication spéciale "Naselja
i porekio stanovništa"
(Les agglomérations et l'origine de la population), publication que fait
paraître d'ailleurs aujourd'hui encore l'Académie Serbe des Sciences, s'imposa
de façon particulière. Une partie considérable des ouvrages publiés par cette
école est consacrée à la dite "Ancienne Serbie" (Stara
Serbia), terme géopolitique qui fut inventé et
utilisé à propos de Kosove. Les écrits de ces auteurs, dont un nombre non
négligeable exercèrent aussi de hautes fonctions d'État dans le cadre de la
Yougoslavie d'avant-guerre, sont dépourvus de tout fondement scientifique, ne
reposent pas sur des documents historiques des XIVe‑XVIIe
siècle, mais sur des matériaux oraux recueillis de façon tendancieuse sur le
terrain et le plus souvent inventés par les auteurs eux-mêmes. Ils se
caractérisent par un bas niveau de connaissance des sources et des recherches
historiques relatives à cette période en général.
À la différence de ces auteurs, les historiens bien connus M. Sufflay et K. Jiretchek
mettent en relief la présence des éléments albanais dans les villes de Kosove
au cours de la période de la domination serbe. Mais eux aussi, bien qu'ils
fondent leurs études sur les sources historiques de l'époque et non pas sur les
données orales et le principe toponymique, c'est-à-dire sur le critère selon
lequel chaque agglomération portant au Moyen-Âge un nom slave aurait été un
territoire habité par les Slaves, comme le firent plusieurs hommes d'étude,
notamment A. Selišev[3],
déterminèrent l'extension que connut le territoire albanais aux XIVe‑XVe siècles approximativement dans le rectangle Tivar-Prizren-Ohër-Vlorë, puisque les termes Albanon, Albania, sous
lesquels il était connu au cours de cette période, englobait selon la
documentation connue jusqu'alors, les régions comprises dans ce rectangle, et
cela en raison de l'absence de données documentaires. Or, cette définition est
erronée, compte tenu de la dynamique de l'extension du terme en question depuis
sa première mention du XIe au XVe siècle, ainsi que du fait que le facteur
politique d'État albanais n'arriva pas à faire de ce terme un nom de tous les
territoires habités par les Albanais. Ce n'est pas là un cas unique et isolé
dans l'histoire des peuples des Balkans et d'Europe[4].
La conception des historiens et des ethnographes chauvins
grand-serbes du passé, qui renient le caractère autochtone des Albanais de
Kosove, continue à être inculquée et largement répandue dans l'historiographie
bourgeoise et révisionniste de plusieurs pays, surtout dans l'historiographie
yougoslave en servant comme par le passé les visées du chauvinisme grand-serbe.
Cette conception se rencontre dans les ouvrages de M. Filipović,
A. Urochević, B. Nuchik,
D. Popović, J. Trifunovsky,
et même dans le texte officiel "l'Histoire des peuples de Yougoslavie",
dont l'auteur qui traite de la partie afférente, V. Tchoubrilović[5],
est l'un des inspirateurs de la politique de la répression et du génocide
appliquée contre les Albanais de Kosove. Les auteurs yougoslaves comme M. Dinić, A. Handjić[6],
qui, ces dernières années apportent de nouvelles données, à travers la
publication des documents ragusiens et ottomans, sur
la présence des Albanais en Kosove, quant au XVe siècle, demeurent fidèles à
l'ancienne thèse car eux aussi, contrairement à la vérité, admettent
l'existence des Albanais dans ces régions, uniquement en tant que minorité, par
rapport à la population serbe.
C'est à cette position que s'en tient également
l'historiographie bulgare qui continue à faire suite aux conceptions antialbanaises de Selišev[7],
en présentant plusieurs territoires albanais des zones de l'Est et du Sud-Est comme "étant habités au cours du Moyen-Âge par
une population bulgare"[8].
Se fondant sur des faits historiques, les traitant à partir de
solides positions méthodologiques marxistes-léninistes et invoquant toujours de
nouveaux arguments, notre historiographie a rejeté ces thèses antiscientifiques
et antialbanaises. Ces dernières années à ces thèses
se sont opposés un certain nombre d'hommes d'étude
albanais de Kosove et étrangers[9].
La pensée de l'historiographie albanaise actuelle et la pensée
scientifique et objective de l'historiographie étrangère démontrent de fond en
comble la continuité de la vie du peuple albanais dans les régions où il vit
actuellement. Les documents archéologiques, historiques, linguistiques et
folkloriques témoignent clairement de la continuité illyro-albanaise
au cours du haut Moyen-Âge dans la région de Kosove, de la présence
prédominante de la population albanaise au cours de la période d'occupation et
de domination serbes du XIIe au XVe siècles et dans la première période de
domination ottomane avant la limite temporelle, 1690, où l'on prétend que les
Serbes auraient été transplantés de cette région et les Albanais, emmenés par
les ottomans, s'y seraient installés! Analysons plus concrètement ces
questions.
*
* *
Que les anciens habitants de Kosove furent les Dardans, c'est
une vérité déjà notoire et admise. Les auteurs antiques considérèrent les
Dardans comme des Illyriens; de même, aujourd'hui encore les hommes d'études
souscrivent, pour la plupart, à l'idée et soulignent qu'ils constituaient une
population illyrienne.
Les Dardans appartiennent à la région illyrienne du Sud, qui fut
caractérisée par un niveau économique, social et culturel relativement élevé et
où se développèrent des formations politiques comme l'État illyrien, l'État d'Epire
et le royaume des Dardans. Cette région, actuellement habitée par les Albanais,
connut, dans la diversité illyrienne certains traits ethno-linguistiques
et culturels particuliers, par rapport aux autres régions, et d'autre part,
unitaires. Les thèses selon lesquelles les Dardans n'auraient pas fait partie
de la grande communauté illyrienne, mais ils se rattachaient aux régions
orientales ou bien ils formaient un groupe balkanique en soi, ne tiennent ni du
point de vue archéologique et historique, ni du point de vue linguistique. Les
fouilles archéologiques, les analyses typologiques de la culture matérielle,
les particularités de la culture spirituelle, l'onomastique prouvent que la
Dardanie à l'époque antique et au haut Moyen-Âge, était liée aux autres régions
de l'Illyrie du Sud.
Après la chute de l'Empire romain, à la fin du IVe siècle
de notre ère, la région de Kosove était englobée dans la province de Dardanie,
qui tout comme les autres provinces illyriennes du Sud, s'intégrait dans la
structure de l'Empire romain de l'Est, de l'Empire byzantin.
Les découvertes archéologiques relativement restreintes, qui
portent sur cette époque et qui ont été effectuées en Kosove permettent de
constater une unité avec celles des autres régions illyriennes du Sud, et cela
dans les produits d'artisanat, la céramique, le mode de construction. La
présence d'une culture matérielle unitaire au cours de la période de
l'antiquité récente dans les provinces de l'Illyrie du Sud, (sur les
territoires actuellement habités par les Albanais) montre que la "romanisation"
ne put éliminer la langue et la culture des Illyriens des régions du Sud, ni
les assimiler, bien que dans les contacts intenses avec la culture de l'Empire
romain entrent de nouveaux éléments, phénomène qui apparaît dans les
découvertes archéologiques de Kosove[10].
Sous une couche de romanisation superficielle, il y fut conservé, parmi les
basses couches de la population provinciale illyrienne, une culture matérielle
et spirituelle caractéristique, qui héritait des traits anciens de l'époque
récente du fer, traits qu'elle développa dans les nouvelles conditions
économiques et sociales, en contact avec la culture byzantine.
La Dardanie et la majeure partie de l'Illyrie du Sud demeurèrent
intactes, ou bien elles furent très peu touchées par les grandes invasions des
peuples, aux VIe et VIIe siècles, y compris celles des slaves. La
voie des migrations vers le Sud, qui avait comme point de départ le passage du
Danube près de Singidum (Belgrade actuel), traversait
les vallées de la Morava et du Vardar et aboutissait à Thessalonik,
la ville principale, qui attira les foules "barbares"[11].
Dans l'histoire du peuple albanais le haut Moyen-Âge est l'une
des périodes les plus importantes, car elle se rattache à la formation de la
nationalité albanaise, de sa langue et de sa culture. Cette période, tout comme
celle des autres pays balkaniques, est la moins éclairée par les sources
écrites byzantines. D'où l'importance des autres sources, en premier lieu des
sources archéologiques et linguistiques.
Compte tenu des découvertes archéologiques qui font la lumière
sur cette période, la culture albanaise du Nord, culture du type de Koman, en tant que témoignage de la continuité illyro-albanaise et du caractère autochtone des anciens
habitants locaux, appartenait à une vaste région, qui au Nord s'étendait du lac
de Shkodra à la ville d'Ohrid, en englobant la région de Kosove[12].
Les données de la toponymie antique et moyenâgeuse prouvent le
caractère autochtone des Albanais dans les régions de Kosove, du Monténégro et
de la Macédoine. Certains noms antiques de ces régions servent d'appellatifs
dans la langue albanaise. Ainsi donc, la Dardanie, dont le territoire est
constitué par la Kosove actuelle, s'explique par le mot albanais dardhë[13].
De même les savants rapprochent Ulqin,
à l'antiquité Ulcinium des mots albanais ulk, ujk[14].
Les toponymes antiques Naissus-Nish, Scupi-Shkup, Astibos-Shtip, Scardus-Shar, Ulpiana-Lipian et d'autres, qui appartiennent aux régions
albanaises de Yougoslavie, ont évolué en fonction des règles de la phonétique
historique de l'albanais. Il en ressort que ces régions avaient été habitées
depuis longtemps par des Albanais qui employaient tous ces noms antiques, avant
que ceux-ci prennent la forme actuelle[15].
Le fait que ce sont justement des noms de villes qui conservent les témoignages
de la population albanophone montre qu'elle n'était point composée de bergers
vivant dans des zones montagneuses, mais que c'était une population qui avait
un mode de vie urbain avancé[16].
Se fondant sur ces données de la toponymie antique, qui passent
directement par l'ancien albanais sous les formes actuelles que connaissent ces
régions chez les peuples slaves, les éminents linguistes notamment l'autrichien
N. Jokl, l'allemand G. Vaigand,
le roumain E. Petrovici et le yougoslave H. Barić, formulent l'idée que la Dardanie, déterminée en
tant que zone, entre autres, par des noms comme Nish-Shkup-Shtip,
constituait en effet un foyer de l'ancienne population albanaise[17].
E. Petrovici, malgré sa tendance à agrandir le
rôle de la population romano-roumaine dans les
Balkans, est obligé d'affirmer que "la population que les Slaves
trouvèrent dans les régions orientales de la Serbie, n'était pas encore
romanisée" (à cette fin, il fournit comme argument, les noms actuels
slaves des villes ci-dessus mentionnées). Le fait connu et constaté par les
linguistes comme le hollandais N. Van Weik, que
les Serbes et les Bulgares, selon les témoignages de la toponymie, au haut
Moyen-Âge s'étaient détachés d'une population non slave, s'explique par la
présence de la population albanaise dans cette zone, alors que la population
d'origine romanique appartient à une phase slave plus
récente[18].
Certains de ces savants en particulier, notamment H. Barić ont montré que dans l'onomastique antique et
moyenâgeuse de Dardanie "le caractère phonétique montre que les Slaves du
Sud empruntèrent des noms archiconnus à travers l'albanais, car dans ces
toponymes on peut constater les changements phonétiques qui se produisirent
avant la migration des Slaves du Sud sur le territoire historique des Albanais"[19].
La Dardanie était l'un des foyers de formation des Albanais et
de leur langue, et où l'albanais put évoluer en tant que langue dans sa propre
unité, sans se laisser influencer à cette étape-là par les parlers slaves dont
il était entouré. Bien des savants expliquent, justement par l'ancienne
présence des Albanais dans cette région, les contacts si intenses de l'albanais
avec le roumain. Dans ces conditions, l'extension de l'État serbe en Kosove au
XIIe siècle, n'était point une "libération" des territoires serbes,
mais une annexion, une occupation de ceux habités par les Albanais.
Descendant de l'antiquité au Moyen-Âge, les études entreprises
en matière d'onomastique, ont prouvé la présence de l'éthnos
albanais en Kosove, au Monténégro et en Macédoine.
Grâce aux divers documents et sources historiques, aux sources
religieuses, aux cadastres, aux bulles d'or etc., les chercheurs locaux et
étrangers ont rassemblé dans leurs études historiques et linguistiques une
multitude de noms de régions et de noms propres datant du Moyen-Âge et dont une
partie considérable sont d'origine albanaise. L'analyse de l'onomastique
moyenâgeuse des XIVe‑XVe siècles utilisée sur
le territoire du Monténégro, d'Herzégovine et de Kosove permet de constater un
grand nombre de toponymes albanais qui ne peuvent s'expliquer que par la
présence des masses ethniques albanaises. Les hommes d'étude ne cessent
d'augmenter la liste de ces toponymes, couvrant même des régions qui en partie
sont actuellement slaves. Voici quelques-uns de ces toponymes: Pantalesh, Barzan (Bardhan), Bytidosi, Bankeqi, Lopari, Bardiçi, Kuçi (à Kuç-Monténégro), Bukmir, Bushat (à Pipër-Monténégro), Burmaz (Burmadh), à Stolac en Herzégovine, Zhur (au Monténégro et à Prizren)[20].
Les anthroponymes albanais utilisés en tant que microtoponymcs
ou toponymes dans les régions de Prizren: Rudina e Leshit, truallishta e Gjon Bardhit, Llazi i Tanushit, truallishta e Komanit, Shpija e Bushatit[21],
Gjinovci (Gjinajt), Flokovci (Flokajt), Gjonovci (Gjonajt), Shpinadinci (Shpinajt)[22].
Aux XVe‑XVIe siècles se rencontrent
des toponymes albanais dans la zone de Rrafshi i Dukagjinit et de Kosove. Il
convient d'en citer Ujmirë, nom d'un village situé à
l'Est de Peje et qui est évoqué pour la première fois au XIVe‑siècle[23];
Shalc, Kuçiq, Guri i Kuq
dans la région de Vuçitern; Arbanas dans la région de Llapi; Marash dans la
région de Morava, selon les recensements de 1487[24];
Arbanashka Petrila dans
la région d'Ostrolic, Arbanashka Brenica, Arbanas, Gjinofc Kulla dans la région de Treboshnica, Gjinofc et Marash dans la région de Morava, Tanushofc dans la région de Karatonlu selon les recensements de 1566-1574[25].
En même temps, dans la région de Has les villages Bunjaj, Guri et l'ancien nom de la région de Shullan[26].
D'autre part, le fait que les parlers albanais en Yougoslavie ne
constituent pas des îlots linguistiques, comme on pourrait s'en douter, si les
Albanais avaient été installés plus tard à l'intérieur du pays, ainsi que la
grande unité des dialectes de notre langue peuvent être considérés comme des
preuves que les habitants de ces régions vivent depuis longtemps sur leurs
territoires, qu'ils sont autochtones et non pas des immigrants[27].
*
* *
L'occupation slave des territoires du Nord et du Nord-Est
albanais commença à avoir lieu au XIe siècle, dans une période où le peuple
albanais, sa langue et sa culture avaient été formés. Les preuves
archéologiques de la présence d'une culture slave transmise à travers les
migrations des Slaves aux VIe‑VIIe siècles, sur
les territoires albanais, dans leur ensemble, sont restreintes et isolées.
Elles ne constituent pas une culture en soi coexistant avec les cultures
albanaises du haut Moyen-Âge. Les matériaux qui représentent la culture slave
appartiennent aux époques plus récentes et se rattachent aux occupations
bulgares et serbes des IXe‑XIIe siècles[28].
Le slave commença à exercer son influence sur l'albanais en un temps où la
structure grammaticale fondamentale de ce dernier avait été formée, ou les
changements phonétiques qui donnèrent un aspect albanais aux mots empruntés au
latin, avaient été effectués. Les emprunts slaves se soumirent à l'action unitaire
d'une langue formée, ce qui témoigne d'une unité ethnoculturelle de l'ancienne
population locale[29].
Ainsi donc, les rapports linguistiques slavo-albanais
ne datent pas des premiers siècles de la migration slave, mais des XIIe‑XIVe siècles, dans les conditions de
l'occupation des régions albanaises par l'État serbe.
Comme on le sait, pendant quatre siècles d'affilée, du XIe au
XVe siècle, les régions albanaises du Nord et du Nord-Est, subirent la
domination des féodaux serbes de l'État de Dioclès Zètes et de Racha, en coexistant
politiquement dans le même cadre d'État avec une population slave. Au XIe siècle
les frontières de l'État de Dioclès comprenaient en
premier lieu les régions occidentales de l'Albanie du Nord. Après une brève
période d'occupation byzantine, elles passèrent sous la domination de l'État de
Racha, avec à sa tête Etienne Nemanja
(1165-1195) qui envahit également la Kosove et étendit la domination serbe
jusqu'à la ligne Lezhë-Prizren-Prishtinë. Au cours du
XIIIe siècle le royaume serbe ne cessait d'élargir ses frontières jusqu'au
moment où sous Etienne Douchan (1333-1355) il engloba
outre la majeure partie de la péninsule Balkanique, une grande partie du
territoire albanais. C'est de cette période que date aussi la fondation de
l'Eglise orthodoxe autonome serbe qui avait son centre à Peje et qui était
indépendante de l'Eglise orthodoxe de Constantinople et de la Papauté. Après le
renversement de cet État dans la deuxième moitié du XIVe siècle furent créées
de grandes principautés féodales albanaises dans les régions du Nord, notamment
celles des Balshaj, des Spane,
des Dushman, des Dukagjin,
alors que la majeure partie de Kosove demeura sous la domination serbe des Brankovitch, jusqu'au moment où elle fut occupée par les
ottomans en 1455[30].
Au cours des XIIe‑XVe siècles,
lorsque la nationalité albanaise s'était formée et consolidée, les territoires
de Kosove, de Rrafshi i Dukagjinit, de la Macédoine occidentale, les anciennes
agglomérations des Dardans, des Paions, des Penestes, des Lynkestes, qui au
début portaient des noms traditionnels historiques des régions de Macédoine et
d'Epire, lesquelles n'avaient rien à voir avec le caractère ethnique de la
population, et qui plus tard devaient porter les noms des États envahisseurs,
n'étaient pas désignés par l'appellation Arbëri-Albania,
Albanum[31].
Cela s'explique non pas par l'inexistence des Albanais dans ces régions, mais
par le fait qu'elles demeurèrent sans arrêt sous les dominations byzantine,
serbe ou bulgare, en ayant la même communauté politique-religieuse
que leurs occupants et qu'elles n'arrivèrent pas à se réunir sous une formation
d'État albanais. Voilà pourquoi, dans les sources, elles ne se présentent pas
sous leurs noms ethniques, mais sous des termes qui expriment la communauté
politique religieuse de l'époque, et non pas la communauté linguistique et
ethnoculturelle. Les occupations étrangères continues et la division religieuse
empêchaient les Albanais d'avancer rapidement sur la
voie du progrès social, de se rassembler plus tôt dans une lutte pour leur
libération politique et de se présenter sous un nom commun ethnique couvrant
tous les territoires habités par eux.
Les dominations et les invasions étrangères, ainsi que leurs
conséquences, sont à l'origine du rétrécissement de l'espace géographique
qu'occupaient les Albanais au Moyen-Âge. La longue pression puissante des États
et des églises slaves, qui s'accompagnait de la colonisation slave des
territoires albanais surtout de la Kosove, fit que l'espace linguistique
albanais ne cesse de diminuer. Cette conception a été admise même par divers
auteurs étrangers. M. Sufflay, l'historien
croate bien connu, après avoir mis en évidence de façon documentée, la présence
des groupements compacts albanais dans les environs de Raguse et de Kotorr au XIIIe siècle, groupements qu'il qualifie de
débris illyriens autochtones, détachés du noyau albanais, ainsi que la vaste
extension des Albanais dans les régions de Zète et du
Monténégro, ce dont témoignent les noms albanais des "gens" des Matagushe, des Mahine, des Malonshiq (Malonsi), des Matarug et des Golemadh[32],
affirme à juste titre que l'installation des Slaves était tombée sur le peuple
albanais comme une hache qui lui avait coupé au Nord et au Sud quelques
branches de son tronc et qui avait réduit son espace[33].
Que disent les sources historiques de la continuité de la présence
des Albanais en Kosove au cours de la période de domination serbe au XIIe‑XVe siècles? Evoquent-elles les Albanais en tant
qu'habitants de cette région?
Les sources historiques témoignent de la présence continue de la
population albanaise en Kosove au cours de la domination serbe. Ce fait est
prouvé en premier lieu par de nombreux documents serbes du Moyen-Âge et surtout
par le code de Stefan Dushan[34],
qui évoque les Albanais sous le nom d'Arbanas, habitants de ces territoires et par les bulles d'or
ainsi que des dominateurs serbes, qui furent remises aux églises et aux
monastères. Dans sa propre bulle d'or de 1330, Stefan Deçanski,
évoque les Albanais de Kosove et leurs territoires sous des noms albanais,
notamment le village actuel de Dobrovoda, sous le·
nom d'Ujmir[35].
Au XIVe siècle les Albanais étaient présents dans les zones
de Prizren et de Shkup. Une bulle d'or que le tsar
Etienne Douchan envoya au Monastère de Saint Michaël
et de Gavril (1348-1353) à Prizren, fait état de la
présence des Albanais à Rrafshi i Dukagjinit dans les environs de Prizren et
des villages de Drénice. Ce document constitue un
témoignage de l'existence de neuf villages albanais (katun)
situés près de Prizren et connus sous les noms de Gjinovci
(Gjinajt), Magjerci, Bjelloglavci, Flokovci (Flokajt) Crnça, Çaparci (Çaparajt), Gjonovci (Gjonajt), Shpinadinci (Shpinajt), Novaci[36].
Selon les sources il y eut des Albanais qui furent des clients
du marché du Monastère de Saint-George près de Shkup[37],
d'autres de bergers, agriculteurs et soldats dans la région de Tetove[38],
d'autres encore des agriculteurs dans les villages du grand fief de Deçan[39].
Les rois serbes et en particulier Stefan Duchan
offrirent des villages albanais aux monastères de Prizren, de Deçan, et de Tetove.
L'anthroponymie purement albanaise d'une partie des habitants
des villages évoqués dans les documents d'État et religieux serbes des XlIIe‑XVe siècle atteste clairement la présence des
Albanais dans ces villages. Selon les bulles d'or du fief de Deçan datant de 1330, les habitants ayant une telle
anthroponymie vivaient dans les villages d'Isniq, Gramoçel, Xerxë, Çabiq, Sushiçan, dans le katun Arbanas, dans la ville de
Prizren, Suharekë, Llapushë,
à Rrafshi i Dukagjinit; Graçanice, Vinarc en Kosove. Les Albanais portaient en général leurs noms
traditionnels connus comme Gjon, Gjin,
Lul, Llesh, Bardh, Progon, Prenk, Lalë, Dedë,
Lum, Muzak etc., mais qui
dans les documents religieux serbes prennent les formes suivantes: Gon, Gonac, Gonko, Gonshin,
Gin, Lul, Lesh, Bardi, Progon, Prenko, Bardonja, Laloje, Lalzim, Dedoje, Dedac, Lumas, Muzak
etc[40].
La documentation de Raguse témoigne de la présence d'un nombre
considérable d'Albanais depuis le XIVe siècle et le début du XVe siècle dans la
ville de Novobërdë qui n'était pas détachée du tronc
albanais. Elle évoque des citoyens aux noms albanais comme Gjergjash,
Gjinko (1339) ou des prêtres chrétiens albanais, le présbytérien Gjini fils de Gjergj (1382), dom Gergj Gega, Nikollë Tanushi,
Gjergj Andrea Pellini, Nikolla Prognoviç (XVe siècle)[41]
ce qui montre qu'il s'agit là d'une population catholique albanaise. Le livre
de débiteurs du commerçant de Dubrovnik, Mihail Lukarević qui s'était installé à Novobërdë
durant les années 30 du XVe siècle, cite environ 150 chefs de
familles albanais, qui travaillaient comme artisans, spécialistes et ouvriers
dans les mines de la ville et qui habitaient avec leurs familles à Novobërdë. Ils portaient généralement des noms typiquement
albanais comme Gjon, Progon,
Gjin, Lek, Tanush, Gjergj, Bibë ou bien une
anthroponymie mixte albano-slave; un prénom slave et
un nom albanais ou bien des patronymes albanais adaptés au slave: Gjonoviq, Gjinoviq, Progonoviq, Bushatoviq, Dodishiq, Kondiq, Lekiq etc[42].
À Novobërdë tout comme dans les autres villes,
notamment à Janjeve, Trepçë, Prizren parmi le clergé
catholique, on cité également des clergés albanais.
La présence des Albanais en Kosove est confirmée aussi par leur
participation à la grande bataille qui s'y livra en 1389 contre les armées
ottomanes. D'après les sources historiques, la bataille en question n'était pas
seulement un affrontement entre les occupants ottomans et les armées de l'État
serbe, mais aussi une grande bataille que livraient les forces de la coalition
des féodaux balkaniques, qui avait à leur tête le roi serbe Lazare, dont les
domaines en Kosove étaient directement menacés par les armées ottomanes. Les
chroniqueurs ottomans attestent que les souverains les plus importants qui
faisaient partie de cette coalition étaient: le roi des Serbes, Lazare, le
souverain de Bosnie, Tvartko et Gjergj II Balsha[43].
Ce dernier, qualifié par les sources de l'époque de "souverain des
Albanais" occupait une place principale dans cette coalition, ce dont
témoigne le fait que, après avoir secoué la vassalité ottomane en 1387, il joua
un rôle déterminant dans la bataille que ses forces et celles du souverain de
Bosnie livrèrent contre les armées ottomanes à Trebinjë,
situé dans la vallée de la Toplica. Outre Gjergj II Balsha, à cette bataille participèrent d'autres féodaux
albanais, dont le plus important était Théodhori II Muzaka qui trouva la mort sur
le champ de bataille[44].
Les Albanais, à l'exception des forces des féodaux susmentionnés, participèrent
à cette bataille, ce dont témoignent les sources. Traitant du recrutement des
soldats par le roi Lazar dans ses domaines, les
sources avouent qu'il avait enrôlé des soldats "parmi les Serbes, les Rashjans, les Albanais..."[45].
Il va de soi que ces Albanais devaient être originaires des régions de Kosove.
L'une des preuves en est que les Albanais de Kosove n'ont cessé
de chanter des chants qui font écho à la bataille de 1389 (l'assassinat du sultan
Murat de la part de Milosh Kopiliqi
etc.). Selon les règles des chants épiques, les nouvelles créations de ce genre
ne s'inspirent des événements lointains dans le temps et dans l'espace. Elles
constituent le reflet artistique direct des faits historiques vécus par les masses
populaires. La création de ces chants qui ont été chanté jusqu'aux derniers
temps, s'explique par la présence de la population albanaise au XIVe siècle
et par son existence permanente dans ces régions. En témoignent également les
chants albanais de Kosove à caractère épique héroïque légendaire, qui tirent
leur origine du haut Moyen-Âge et parlent de la population albanaise qui habite
sur ses propres territoires et fait face aux pressions et aux attaques des
ennemis extérieurs (le chant de Gjergj Eles Alia etc.)[46].
*
* *
La documentation moyenâgeuse que fournissent la chancellerie de
l'État serbe et les institutions ecclésiastiques orthodoxes comme celles de
l'Eglise orthodoxe de Peje, qui se réfèrent aux régions de Rrafshi i Dukagjinit
et de Kosove, nous offre par ses données un tableau limité du point de vue
géographique et démographique, en raison même des visées officielles qu'elles
servaient et de la position de classe de leurs rédacteurs. Elles ne présentent
pas tous les villages de Rrafshi i Dukagjinit et de Kosove mais uniquement les
villages qui appartenaient à quelques institutions. Elles ont un caractère
encore plus limité du fait même que dans les villages mentionnés ne furent
considérés comme Arbanas que les Albanais de religion
catholique et il ne fut pas fait de distinction entre la population albanaise
orthodoxe et la minorité orthodoxe slave[47].
L'Albanais orthodoxe de ces régions, tout en faisant partie de la même
communauté religieuse et politique que les Serbes, est considéré généralement
par les écrivains et les chanceliers du Moyen-Âge comme "Serbe" au
Nord et "Grec" au Sud; c'est ce qui devait se produire plus tard avec
les Albanais musulmans qui étaient considérés comme "Turcs".
La documentation d'État et religieuse orthodoxe serbe porte
essentiellement sur une sphère sociale donnée et limitée sur la classe féodale
qui pendant la période de la domination serbe et en particulier après le XIIIe siècle,
lorsque dans ces zones fut établi le centre administratif et religieux de l'État
serbe, était dans sa majeure partie serbe. Par conséquent, elle fait largement
état des intérêts économiques, politiques et sociaux de cette classe, des
questions de l'ordre étatique et religieux mais ne contribue pas à se faire une
idée de la situation des masses populaires albanaises.
Dans ces conditions, la documentation de l'administration
ottomane, qui commence depuis la seconde moitié du XVe siècle, revêt une
importance particulière parce qu'elle est plus riche. Cette documentation
reflète largement les intérêts économiques, politiques et sociaux de la classe
féodale ottomane, l'ordre étatique et religieux, mais à la différence de la
documentation serbe, elle évoque dans une certaine mesure les larges masses
populaires albanaises. Dans ce sens, les cahiers des recensements cadastraux
détaillés (mufassal defterleri)
rédigés par les Ottomans aux XVe‑XVle siècles,
ont une importance de premier ordre, parce qu'ils fournissent des informations
non seulement de caractère économique, social, politique, idéologique, mais
aussi de caractère démographique et ethnique. Leurs données sont plus variées,
plus riches par leur contenu et s'étendent plus largement dans l'espace et dans
le temps. Si les masses populaires albanaises apparaissent dans la
documentation ottomane des XVe‑XVIe siècles,
c'est parce que ces sources par rapport aux sources serbes, revêtent un
caractère différent et des changements politiques, sociaux et religieux se
produisirent au cours du XVIe siècle à la suite de la chute de l'État
serbe, de l'élimination de la classe féodale serbe, du grossissement des rangs
de la classe féodale ottomane avec des éléments autochtones de nationalité
albanaise et du processus d'islamisation.
La documentation de la période qui suivit l'occupation ottomane
de Kosove en 1455, est révélatrice et nous apporte des données qui témoignent
que ces régions étaient peuplées d'Albanais, tandis que les Serbes venus en
tant que colons et couche dominante au temps de l'occupation serbe de ces
régions constituaient une minorité insignifiante mais politiquement dominante.
Dans ce sens les cahiers du cadastre et du recensement de la population
effectués pendant les XVe et XVIe siècles revêtent une importance
considérable et reflètent entre autres, la toponymie des chefs-lieux et l'anthroponymie
d'une partie considérable de la population (des chefs de famille, des
célibataires etc.).
Ces sources contribuent à détruire définitivement l'un des
grands "mythes" et "tabous" de l'historiographie
grand-serbe relatifs à la thèse selon laquelle les Albanais se seraient
installés à Kosove sous l'égide ottomane, en vue de la déserbiser
surtout après les transferts soi-disant de masse des Serbes à la suite des
insurrections des années 1690 et 1738[48].
Cette construction, qui est réfutée aussi par d'autres arguments est non fondée
parce que le cahier du recensement de Kosove de 1455, publié par l'Institut
oriental de Sarajeve atteste clairement que même
avant le commencement du processus d'islamisation de masse, les Albanais
étaient présents massivement en tant qu'agriculteurs dans les régions
orientales de la plaine de Kosove, ce qui est d'ailleurs confirmé par les
données d'un cahier du sandjak de Kystendili, mais
ils étaient également présents en masse en Macédoine orientale, en Kratove[49].
Le cadastre en question permit de créer une unité administrative
unique, le sandjak, qui engloba tous les territoires qui avaient été sous la
domination des Branković (à l'exception de
Rrafshi i Dukagjinit)[50].
Il évoque un nombre considérable de chefs de famille aux noms typiquement
albanais, comme Gjon, Gjin,
Llesh ou bien des noms slaves ayant une qualification
albano-arbanas[51].
Des noms de ce genre sont évoqués aussi bien dans les centres de commerce et
les villes, que dans presque 100 villages de toutes les régions du
sandjak: Morave, Prishtine, Lab, Topolnicë,
Vuçitern, Dolc, Klopotnik, Tërgovishtë, et même dans des villages situés à leur
extrémité, voisins d'autres territoires habités par une population slave. Ces
habitants, ayant essentiellement une anthroponymie albanaise, étaient de
confession catholique. Mais les Albanais de la région de Kosove, étaient pour
la plupart de confession orthodoxe, attachés à l'administration ecclésiastique
de l'église orthodoxe de Peje, et portaient une anthroponymie mixte albano-slave ou bien une anthroponymie religieuse orthodoxe
slave et moins une anthroponymie byzantine. L'adoption de la religion orthodoxe
de la part de la population albanaise dans cette région, montre que pendant les
XIIe‑XVe siècles, lorsqu'elle était sous
l'occupation serbe, elle était obligée de se soumettre à l'assimilation
religieuse idéologique qui, parallèlement à l'intensification de la
colonisation, risquait de mener, dans ces conditions, à une assimilation
ethnique.
Les publications réalisées jusqu'à ce moment qui se fondent sur
les données des cadastres ottomans ont permis de créer un cadre presque complet
des données sur la population de Rrafshi i Dukagjinit et sur la population des
villes de Kosove au cours des XVe‑XVIe sièdes. Elles constituent des arguments scientifiques plus
larges et plus complets que ceux que connaissait la littérature
historiographique. Ces nouveaux arguments solides et scientifiques rejettent
les conceptions non scientifiques et antialbanaises
des historiens grand-serbes.
Les cadastres ottomans des XVe‑XVIe
siècles portant sur la Kosove et Rrafshi i Dukagjinit, fournissent un fait, qui
est d'ailleurs le plus important: la plupart des chefs de famille et des
célibataires inscrits de ces régions et surtout, ceux de Rrafshi i Dukagjinit:
des régions d'Altun-ili, de Rudina,
de Domeshtiç, de Pashtriku,
d'Opoja, de Hoça et de
Prizren[52]
portaient essentiellement au cours du XVe siècle des noms albanais et plus
tard vers la deuxième moitié du XVIe siècle, lorsqu'une partie d'eux fut
obligée d'embrasser la religion islamique, ils portaient des noms islamiques.
Il n'y a point de doute que dans les conditions historiques connues de
domination pluriséculaire de l'État serbe, dans lesquelles était obligée de
vivre la population albanaise, en tant qu'élément politiquement et socialement
soumis, mais qui gardait toujours intactes sa langue, ses us et coutumes, une
telle anthroponymie albanaise, qui plus tard fut partiellement remplacée par
une anthroponymie islamique, ne fût utilisée que par elle et non pas par la
population slave. Dans les cas où le nom albanais s'accompagne d'un nom de
famille de la sphère anthroponymique slave, il s'agit d'une population
albanaise, si l'on tient compte du fait que les Albanais autochtones de ces
régions, sous la pression politique religieuse de l'État et de l'église serbes
furent obligés d'emprunter des noms slaves et une fois libérés de cette
pression, reprirent les noms de leurs grands-parents et aïeux, car le sentiment
de leur nationalité ne s'était point éteint[53].
Voyons maintenant les choses de plus près. Des documents
cadastraux publiés jusqu'à ce jour, il ressort que la région d'Altun-ili (zone comprise dans le triangle Gjakovë-Junikë-Tropojë) était habitée presque entièrement
par des Albanais. Ainsi donc, selon le recensement de 1485, les habitants des
villages de la plaine Gjakovë-Junik notamment Plakani, Mel, Dujak,
Gorna Çirna Gonia, Dolina Çirna
Gonja, Peronja, Rodosh, Dolina Buqani, Bozhani, Vuçidol, Brekoc, Trenova, Vogova, Kaliq, Popoci, Bonoshuci, Stubla, Rogam portaient des noms typiquement albanais, comme Gjin, Gjon, Leka,
Kola, Gega, Progon, Llesh, Gjec, Tanush,
Bushat, Mazarak, Pal, Duka etc[54].
En 1485 la région de Peje comptait 15 villages notamment Oça, Çirna Potok,
Dujak, Usak, Dobriçadol, Kovaliça, Lepovac, Trenova, Nika, Vranic, Romaniça, dont presque
tous les habitants portaient des noms albanais. Des habitants moins nombreux,
portant une anthroponymie pareille se trouvent dans 86 autres
villages de Peje (194 villages en tout), dans 14 villages de la
région de Suhogërlë (28 villages en tout), dans
12 villages de Plave (15 villages en tout)[55].
Selon les recensements des années 1571 et 1591 les régions du
Nord-Est du sandjak de Dukagjin, ou bien, la région
de Has, divisées en nahije de Rudina
(Gjakova et ses villages situés à son extrémité Sud)
de Domeshtiç (les villages situés entre Gjakove et Prizren) et de Pashtrik
(les villages à l'Est et à l'Ouest du mont de Pashtrik),
comme elles furent appelés plus tard au XVIe siècle, étaient des
territoires habités entièrement par une population albanaise[56].
En témoigne le fait que les habitants de cette région au même titre que ceux
des régions montagneuses intérieures de l'Albanie du Nord, portaient pour la
plupart des noms typiquement albanais, comme Gjin, Gjon, Gac, Bac, Kol, Gjec, Doda,
Prend, Biba, Nue, Dida, Shtepan, Vata etc. L'influence de
l'anthroponymie slave sur celle des habitants de ces régions était fort faible.
Le rapport entre les habitants ayant une anthroponymie albanaise et ceux qui
portaient une anthroponymie slave dans ces trois régions prises ensemble est
comme suit:
De 2507 chefs de famille et célibataires chrétiens, 1768
avaient une anthroponymie albanaise, 643 une anthroponymie mixte albano-slave, 96 une anthroponymie slave, alors que de 492 chefs
de famille musulmans, 205 portaient des noms albanais et 37 des noms slaves[57].
C'est ce dont témoignent également les clergés catholiques au début
du XVIIe siècle. Hasi, écrit l'archevêque de Tivar, Pjetër Mazreku
dans son rapport de 1634 "est habité par des Albanais". Il n'y avait
que 5 villages catholiques albanais, alors que les 45 autres
s'étaient islamisés[58].
La région d'Opoja (les territoires
situés au sud de Prizren) avait été entièrement habitée par une population
albanaise, dont la majorité écrasante s'était convertie à l'islam et par
conséquent son anthroponymie appartenait à la sphère de l'anthroponymie
islamique. Les recensements apportent des données qui montrent que les
habitants islamisés étaient de nationalité albanaise. Il y a par exemple des
habitants islamisés qui pendant la deuxième moitié du XVIe siècle
portaient encore comme noms de famille des noms chrétiens de leurs parents, qui
étaient le plus souvent des noms albanais et très rarement des noms ayant subi
une influence slave. Selon le recensement de 1591, dans la région d'Opoje il y avait 369 chefs de famille et célibataires
musulmans et 78 chefs de famille et célibataires chrétiens, dont la
plupart portaient une anthroponymie albanaise[59].
La région de Hoçë (les territoires
situés au Nord de Prizren) avait été habitée par une population albanaise
divisée en trois confessions: catholique, orthodoxe et islamique. Selon les
données du cadastre de 1591, on y trouve 409 chefs de famille et
célibataires, ainsi que 104 titulaires de bashtina, qui portaient des
prénoms typiquement albanais, 248 familles musulmanes et 172 titulaires
de bashtine des noms musulmans, (dont 81 chefs
de famille portaient comme noms de famille, les noms albanais de leurs parents
et 28 chefs de famille, les noms slaves de leurs parents)[60].
Outre sa partie de confession catholique et celle convertie à
l'islamisme, la population de cette région, était pour la plupart de religion
orthodoxe, et portait par conséquent des noms relevant de la sphère de
l'anthroponymie religieuse orthodoxe slave et byzantine. Dans bien des cas elle
utilisait à la fois des noms purement albanais et des noms propres à
l'anthroponymie religieuse catholique. Dans les villages de Hoçë
il y avait environ 883 chefs de famille et célibataires ayant une
anthroponymie de ce genre[61].
Le port des noms albanais, non slaves, de la part de la majorité
des chefs de famille recensés dans les régions ci-dessus mentionnées, ne
signifie pas que seuls ces hommes constituaient une population albanaise, car à
part eux, la population albanaise locale, étant de confession orthodoxe,
portait des noms slaves et byzantins. Cela se constate surtout dans la région
de Peje, et dans les villages des régions de Prishtina,
Vuçitern, Lab, Topolnic, où
les chefs de famille aux XVe‑XVIe siècles
portaient plutôt des noms slaves et byzantins qu'albanais et islamiques, et
dans une certaine mesure dans la région de Prizren, bien que les chefs de
famille aux noms orthodoxes, slaves et byzantins y fussent en minorité par
rapport à ceux qui portaient des noms albanais et islamiques.
L'emprunt des noms orthodoxes slaves de la part des Albanais
était un phénomène ordinaire, répandu depuis la période d'avant l'occupation
ottomane, plus intensément en Kosove et moins à Rrafshi i Dukagjinit et sur les
territoires situés aux extrémités du sandjak de Shkodra. Les divers
recensements permettent d'expliquer ce phénomène. Ils montrent, qu'outre la
partie albanaise de la population locale de confession catholique et islamique,
le reste était de confession orthodoxe, attaché à l'administration
ecclésiastique de l'Eglise orthodoxe de Peje et portait par conséquent des noms
de la sphère de l'anthroponymie religieuse orthodoxe slave et byzantine. (Ainsi
donc l'anthroponymie des Albanais avait perdu son caractère ethnique accentué).
En témoigne le fait que dans ces régions, parallèlement aux clergés catholiques
portant des noms albanais, on rencontre des clergés orthodoxes, qui ayant des
appellations comme celles qui s'emploient actuellement en albanais: "Papa, pop, kallogjer"
(caloyer), portaient des noms albanais. Ainsi donc, dans la région d'Altun-ili on évoque: Gjini, le
fils de Pop, Pop le fils de Pavli, Pop le fils de
Martin, Pop le frère de Progon Pavlo,
Pop le fils de Nikola; dans la région de Peje: Jaku le fils de Pop; kallogjer Pepa, kallogjer Gjonja; dans la région de Suhagërla:
Gjon le fils de Pop etc. Pop Pjetri
à Vuçitern, Pop Jaku à Trepcë,
Pop Mati à Janjeve etc[62].
Toutes ces données rendent inadmissible, et cela de façon exclusive et absolue,
la conception exprimée par Jireček selon
laquelle les Albanais du Nord devaient être identifiés à des catholiques et par
conséquent le catholicisme peut être considéré comme l'équivalent de la "religion
albanaise". La documentation offre de nombreux exemples qui témoignent de
l'existence d'une population albanaise orthodoxe, portant des noms slaves ou
byzantins. C'est le cas par exemple de l'anthroponymie des chefs de famille de
neuf villages (villages de bergers) albanais, qui depuis le XIVe siècle se
trouvaient dans les environs de Prizren[63].
Du point de vue anthroponymique, leurs habitants, au cours des XVe et XVIe siècles,
portaient pour la plupart des noms slaves, bien que les noms de leurs villages
fussent des noms albanais, et même la documentation serbe précise exactement
qu'ils le sont. Cela était dû en effet à leur conversion à la religion
orthodoxe, ce qui devient encore plus compréhensible, grâce au fait que les
villages en question étaient la propriété d'une institution religieuse
orthodoxe. C'est le cas notamment du village de Bilush,
de la région d'Opoja, qui est le seul dans cette
région à avoir des habitants portant pour la plupart des noms slaves[64].
C'est le même phénomène qui se produisit dans les villages de Kelmend et de Pipri, connus sous
des noms albanais Liçeni, Gjonoviq,
Leshoviq, Muriq, Kolemadi, Bukmir, Bushat comme le prouve d'ailleurs l'onomastique. Or, outre
les habitants portant des noms albanais il y avait aussi de ceux qui portaient
des noms slaves, ou bien des noms albanais adoptés à langue slave notamment Stepan, Radiç, Nikaç, Gjonoviq. De même il y
avait des habitants aux noms slaves ou bien albano-slaves
dans la fraternité connue du village d'Arbanas de Tuzi, qui fut repartie au XVe siècle, dans 11 villages,
et cela à cause de la conversion d'une partie de ses membres de cathoIiques en orthodoxes[65].
Le recensement de la ville de Kërçova
(fin du XVe siècle) où les habitants orthodoxes du quartier albanais
(appelé arbanas) portaient pour la plupart des noms
slaves[66],
constitue un exemple très net, qui montre que les Albanais orthodoxes des
autres régions avaient emprunté des noms caractéristiques slaves.
La documentation apporte également de nombreuses données sur la
région de Kosove. Elles témoignent que les Albanais y portaient ordinairement
des noms slaves comme Radosav, Brajko,
Petko, Bogdan, Radoslav, Branslav, Bozhidar, Milosh, Miloslav etc. aussi bien
au cours de la période qui précéda l'occupation ottomane qu'au cours de celle
qui la suivit. Ainsi donc le livre des débiteurs du commerçant de Dubrovnik, Mihail Lukarevitch, datant des
années 30 du XVe siècle, évoque, outre des habitants ayant des noms
et des prénoms purement albanais, des Albanais portant une anthroponymie mixte albano-slave ou bien les noms albanais aux suffixes propres
au serbe: itch,
ovitch et
etc. notamment Radosav Gjonovitch,
Ivan Gjonovitch, Dimitër Buchatovitch, Tanush Bogdanovitch, Petko Progonovitch, Radosav et Jakob Leshovitch etc[67].
Les cadastres de 1455 des villages des régions de Vuçitern et de Prishtine,
évoquent des Albanais qui malgré leurs noms slaves, s'identifient en tant
qu'Albanais par l'appellation arbanas ou bien par les noms albanais de leurs parents.
C'est le cas de Todori le fils d'Arbanas,
Bogdan et Radoslav les fils de Todor, Branslav le fils d'Arbanas (le
village de Kuçiça), Radovan le fils de Gjoni (village de Çikatovo), Radoslav le fils de Gjoni et Bogdani son fils (le village de Sivojevo),
Gjoka le fils de Miloslav
(village de Gornja Trepz)[68].
Les matériaux des cadastres du sandjak de Vuçitern de 1566-1574
apportent des données plus édifiantes. Selon elles, presque la moitié des
habitants du quartier des Albanais à Janjeve ne portaient pas une anthroponymie
albanaise, bien qu'ils fussent qualifiés d'arbanas,
mais des noms orthodoxes slaves comme Pejo, Stepan, Jovan, Mlladen, Bozha, Raja, Stoja etc., ou une anthroponymie mixte albano-slave,
comme Jova Jaku, Mati Stepa, Gjura Kola, Koka Dobroshi, Dida Stojini. De même à Prizren
on trouve des quartiers qui portent des toponymes albanais comme, Madhiq, bien qu'il y ait des églises catholiques comme
celle de Dimitri Puliti (Pulti)
et des habitants ayant pour la plupart des noms slaves et byzantins[69].
Les habitants chrétiens des régions en question ne portaient pas
une anthroponymie tout à fait typique de la sphère orthodoxe slave, mais une
anthroponymie hétérogène mélangée avec une anthroponymie purement albanaise ou
une anthroponymie de la sphère ecclésiastique catholique et byzantine grecque,
largement utilisée par les Albanais. Il y a des noms qui sont plus propres à
l'anthroponymie de la sphère ecclésiastique catholique qu'à l'anthroponymie
orthodoxe comme Lukë, Nikolla,
Pjetri, David, Jaku, Marin,
Filip, Mati (au lieu de Mateo),
et qui sont aussi bien employés par les Albanais que par les autres peuples.
Chez les habitants orthodoxes de Kosove s'emploient souvent des
noms qui sont plus propres au rite orthodoxe byzantin grec qu'au rite orthodoxe
slave. Ces noms comme Ilia, Moisi, Dimitri, Damjan, Mihal, Kommen etc., se trouvent sous les formes utilisées
ordinairement par les Albanais. Il est aussi d'autres données de caractère
linguistique, qui témoignent que cette population était albanophone. Dans les
originaux des cadastres se rencontrent souvent des noms comme Pjetër, Dimitër, qui sont
employés sous une forme définie de l'albanais et qui, écrits, se trouvent sous
les formes Pjetri, Dimitri et non pas sous les formes
slaves Petar, Dimitar ‑ Dimitrije. L'anthroponymie Mati n'est pas utilisée dans les
formes slaves comme Matija, Matko,
Mate, Matiç etc. La comparaison des formes Pjetri, Dimitri et Mati qui se rencontrent ordinairement
chez les chefs de famille du sandjak de Vuçitern, avec les mêmes noms utilisés
par la population slave des sandjaks de Belgrade, du Monténégro, de Kystendili, de Vidin, fait
ressortir que ces formes, définies par les articles de l'albanais, n'avaient
été utilisées que dans la région de Kosove[70].
Chez les chefs de famille de cette région le nombre de noms aux suffixes
propres au serbe comme itch,
evitch, in, est fort restreint.
L'emploi des noms slaves de la part des Albanais, s'observe dans
bien des villages de Kosove, dont les habitants malgré les toponymes albanais
au pluriel des chefs de fraternité comme Gjinofc (Gjinajt), Leshofc (Leshajt), Tanushofc (Tanushajt), témoignant de leur origine albanaise sont de
confession orthodoxe et portent pour la plupart des noms slaves. Il convient
d'en citer les noms des habitants du village de Gjinajt
dans la région de Trebochnica, selon le recensement
des années 1566‑1574: Pjetri Jovani, Toma Pjetri, Kostandin Nikolla, Toma Kostandini, Dimitri Pjetri, Mati Pjetri, Novak Dimitri, Boja Stepani, Novak
Boja, Nikolla Novaku, Stepan Novaku, Nikolla Gjuriq, Nisha Nikolla,
Luka pop Jovani, Bozha Luka, Simon Luka, Danko Mihajlo
etc[71].
De même, dans certains villages albanais des régions voisines de
Kosove, notamment celles de Kurshumli et de Nish, qui avaient pour toponymes des noms arbanas, arbanashka... ce
qui signifie qu'elles avaient été en contact avec une population slave, comme
c'en est le cas de leurs villages d'Arbanas, Arbanashka Petrila et d'Arbanashka Brenica, les habitants orthodoxes albanais portaient
pour la plupart des noms relevant de la sphère orthodoxe slave. Voici certains
noms des habitants du village d'Arbanas: Stojan, Dajin, Dane Stojani, Mati Marko, Andrija Marko, Dimsha Marko,
Luka Gjurko, Nikolla Luka, Pjetri
Dimja, Stojan Pjetri, Gjura Marko,
Lazar Stepa, Gjura Pejash etc[72].
L'influence slave sur l'anthroponymie des Albanais se fait
sentir également dans une série de noms albanais adoptés à la slave. En voici
quelques-uns: Lekaç, Lekashin
pour Leka, Nikaç pour Nika;
Gjonac, Gjonko, Gionçi, Gjonoviq pour Gjon et Gjonajt; Ukça pour Uk, Dukaç,
Dukoi pour Duka; Lleshoviq pour Leshajt; Gjokaç, Gjokoviq pour Gjoka et Gjokajt; Prekça, Prekoviq pour Prek et Prekajt; Ulkash pour Ulk; Ugjlesha pour Uk Lesha etc[73].
L'utilisation des noms slaves de la part des Albanais, est
prouvée également par d'autres données qui montrent que dans nombre de cas les
membres d'une famille et d'une fraternité, portaient des noms slaves, mais
s'identifient en tant qu'Albanais à travers d'autres noms. Exemples: Radosav le fils de Gjoni, Vladi le fils de Gjoni, Bozhidar le fils de Gjoni, Leka le fils de Mirosavi, Doda Pali et son fils Stepan Pali
etc. On trouve, entre autres, des noms slaves sous les formes utilisées en
langue albanaise comme Vuka, Nisha,
Deja, pour des noms slaves comme Vuk,
Stanisha, Dejan ce qui
atteste que la population locale était albanophone[74].
Les exemples qu'on vient de citer permettent de faire une
interprétation scientifique plus juste de l'onomastique, en premier lieu de
l'anthroponymie afin de découvrir avec véracité l'appartenance ethnique de ses
porteurs, en la considérant dans les conditions historiques de l'époque.
Primo, ils permettent
d'aboutir à la conclusion que l'anthroponymie slave, que portait une partie de
la population de ces zones ne peut pas servir de critère pour définir de
manière absolue le caractère ethnique slave de cette population, et pour
affirmer qu'elle était slave, car les noms slaves y sont employés par la
population albanaise de confession orthodoxe, et ils ne témoignent donc pas
d'une population slave. Partant, on ne peut pas mettre un signe d'égalité entre
le caractère onomastique et le caractère ethnique des habitants de ces zones,
comme le font certains auteurs étrangers[75],
surtout de nationalité serbe car on ne pourrait pas tenir compte des conditions
historiques dans lesquelles fut contrainte de vivre la population albanaise[76].
L'anthroponymie slave, que portait la population orthodoxe albanaise de ces
territoires n'est pas le résultat de la coexistence des Albanais avec les
Slaves, mais la conséquence de l'influence des facteurs socio-politiques
et religieux. Le fait que dans ces contrées, la classe dominante fut surtout
slave atteste sa supériorité et sa domination politiques et religieuses sur la
population albanaise de ces régions, à une époque où la classe féodale
albanaise n'avait pas encore réussi à former son propre État féodal unique et
sa propre Eglise autonome. D'où l'influence slave sur l'anthroponymie
albanaise. La slavisation de cette dernière à la suite de l'influence des
facteurs socio-politiques et religieux, ne constitue
pas la slavisation de la population albanaise et il ne s'ensuit donc pas qu'il
y vivait une population slave.
Secundo, la
toponymie, non plus, ne peut servir de critère pour définir le caractère
ethnique de la population. Selon ce critère chaque village portant un nom slave
dut être habité par des Slaves, critère suivi par bien des auteurs[77].
En témoigne d'ailleurs, le fait qu'un bon nombre de villages aux noms slaves,
comme cela a été illustré d'exemples plus haut, étaient composés de population
albanaise, dont la majorité écrasante portait des noms albanais. À Altun-ili, il y a 16 de ces villages, à Peje 14, et ainsi
de suite. Les facteurs politiques-administratifs
entraînèrent dans ces régions habitées par des Albanais la diffusion d'une
série de toponymes slaves, phénomène qui se rencontre aussi dans d'autres
régions des Balkans, habitées par des populations non slaves. Voilà donc
pourquoi, nous estimons que, afin d'analyser et d'apprécier les toponymes et
l'onomastique slaves dans leur ensemble, il faut surtout tenir compte des
conditions historiques, où elles furent formées. Cela dit, on peut affirmer que
la toponymie slave en question, enracinée durant les diverses étapes du haut
moyen âge, reflète les contacts historiques que les Albanais eurent avec les
Slaves dans des périodes définies bien avant le XVe siècle. Par
conséquent, la toponymie slave ne nous offre pas la possibilité de porter un
jugement sur le type de population de ces agglomérations au XVe siècle.
Il en va différemment des toponymes albanais. Ils peuvent servir
d'arguments certains pour affirmer que les agglomérations en question
constituaient des territoires peuplés d'Albanais, car ils montrent en effet
qu'en dépit de la domination pluriséculaire de l'État serbe, l'ancienne
population autochtone de ces régions avait pu résister à l'assimilation slave
avant le XVe siècle. La toponymie slave ne peut être uniquement le
résultat de la migration slave pendant le haut Moyen-Âge, car accepter cette
idée revient à renier les cas où ces appellatifs dérivent de l'albanais, ainsi
que l'utilisation éventuelle des toponymes slaves due entre autres, à
l'influence des facteurs politiques et religieux qui pendant une longue période
jouèrent un rôle actif (dans plusieurs cas la toponymie relève de l'activité de
l'appareil d'État, administratif et militaire étranger et ne recèle pas une
réalité ethnique). Le fait qu'au cours des XVe‑XVIe
siècles il est de nombreux villages qui portent deux toponymes, un albanais et
l'autre slave, ou bien la traduction de la toponymie albanaise en toponymie
slave, atteste que le principe susmentionné ne peut pas être appliqué de
manière absolue pour les périodes antérieures non plus[78].
Au XVIe siècle, à la suite de l'instauration et de la
consolidation de la nouvelle administration d'État des occupants ottomans, ainsi
qu'à la suite du démantèlement de l'appareil d'État de la classe féodale serbe
et de la position dominante de l'Eglise serbe, on remarque dans ces régions une
certaine réduction des noms slaves que la population albanaise avait empruntés
au XVe siècle et une plus large diffusion de noms albanais. Mais lorsque
les occupants ottomans, recourant à des mesures coercitives, imposèrent
l'islamisation au peuple albanais, (afin de le diviser et de vaincre sa lutte
de libération), dans ces régions, parallèlement aux noms albanais, on relève
une recrudescence de noms musulmans chez les chefs de famille. Selon les
données de cette période, une partie de la population de Rrafshi i Dukagjinit
et de Kosove fut contrainte d'abandonner la religion orthodoxe et d'embrasser
la religion musulmane. C'est ce qui explique la disparition des noms slaves qui
furent remplacés par des noms musulmans. Un cas typique à cet égard est celui
de la ville de Peje, dont les habitants, en 1485, portaient pour la plupart des
noms slaves, et en 1582, des noms islamiques, à l'exception de 15 familles
de confession orthodoxe, dont une partie continuait d'avoir des noms albanais
comme Pop Nika, Pal Koka etc. La religion islamique
se répandit aussi bien parmi la population urbaine que parmi la population
rurale. Ainsi donc, au XVIe siècle la plupart de la population des régions
de Altun-ilise (Gjakove), Roçe, Ras, Prizren et presque toute la population d'Opoje furent islamisées. La religion islamique avançait
plus lentement dans les villages de la région de Peje et dans le sandjak de
Vuçitern. Ce n'est qu'au XVIIe siècle qu'elle devait y suivre des rythmes
plus rapides.
Malgré l'évident progrès du processus d'islamisation dans la
deuxième moitié du XVIe siècle, une partie de la population albanaise, et
surtout la population rurale des régions de Prishtine, Vuçitern, Lab et de Peje, continuèrent d'être de confession orthodoxe
et de porter des noms slaves ou byzantins. La présence de cette population
orthodoxe albanaise est attestée également par des données directes d'autres
sources autres qu'ottomanes. Ainsi donc, dans un document rédigé le 15 février
1602 par l'assemblée de Dukagjin, région de Mat, à
propos de la libération du pays, il est dit entre autres: "Nous autres de
confession romaine (entendez catholique ‑ S.P.) sommes 40 milles
hommes de combat, vaillants et capables de lutter avec courage... En autre à
nous, viendront se rallier tous les Albanais de confession grecque (entendez
orthodoxe liés à l'archevêché de Ohrid) et de confession serbe (entendez
orthodoxe, liés à l'Eglise serbe) qui sont nos voisins[79]."
Ce fait montre que l'Eglise orthodoxe serbe n'avait pas
définitivement perdu son autorité, bien que l'État serbe et la domination de la
classe féodale serbe fussent éliminés à la suite de l'occupation ottomane. Au
XVIe siècle les positions de cette même Eglise étaient en train de s'écrouler
petit à petit, cependant que l'islamisation prenait de l'ampleur. Dans ces
conditions, la communauté religieuse et en partie la communauté culturelle des
minorités serbes auxquelles appartenaient autrefois l'appareil d'État et les
institutions religieuses et culturelles, n'agissaient pas aussi intensément
qu'elles le faisaient avant l'occupation ottomane, en vue de l'assimilation culturelle
et ethnique des Albanais. La colonisation slave et la slavisation de la
population albanaise de ces régions connaissaient ainsi une situation
défavorable, bien que les éléments ethniques slaves continuassent de s'y
établir même au cours du XVe siècle.
Mais ni la religion orthodoxe durant la période de la domination
serbe, ni l'islamisation durant la domination ottomane, en tant qu'instruments
idéologiques entre les mains des occupants étrangers, visant la slavisation ou
l'assimilation politico-culturelle ottomane des
Albanais, ne réussirent à donner des résultats déterminants. Elles échouèrent,
parce qu'elles se heurtèrent à la résistance d'une grande population albanaise,
qui était partie intégrante et indivisible de la nationalité albanaise formée
historiquement depuis plusieurs siècles. L'héritage et l'unité ethno-culturelle de la population albanaise arrivèrent à
faire face à l'action divergente du facteur religieux, malgré les traces qu'il
laissa sur la culture populaire nationale albanaise. Dans ce sens, l'existence
des institutions d'État et d'églises serbes que les dominateurs serbes mirent
sur pied et dotèrent de propriétés, ne peut être considérée comme un argument
absolu, comme le fait l'historiographie serbe, pour prouver l'appartenance
serbe de ces territoires du point de vue ethnique, pas plus que l'existence des
mosquées et des institutions de culte musulman durant les siècles de domination
ottomane ne peut servir d'argument pour attester la présence d'une population
turque. Leur existence se rattache aux changements politiques, sociaux et
idéologiques survenus au cours de l'occupation serbe ou ottomane et non pas au
caractère ethnique de ces territoires.
Si la Kosove fut envahie et que le centre religieux de l'État
serbe y fut établi pendant les XIIIe et XIVe siècle, et la classe
féodale était essentiellement serbe dans les conditions où la majorité
écrasante de la population était albanaise, cela ne signifie guère que cette
région est ethniquement parlant serbe. Ce n'est là ni le premier ni le seul cas
dans l'histoire des Balkans et de l'Europe, où il existe une discordance
ethnique entre la classe dominante, l'appareil d'État, militaire et religieux
d'une part, et la population autochtone composée de couches populaires de
l'autre. "Les Albanais de Yougoslavie ‑ a souligné le camarade
Enver Hoxha au VIIIe Congrès du PTA ‑ constituent une ethnie,
un peuple formé dans les siècles, qui possède son histoire, sa langue, sa
culture, un peuple autochtone, qui, comme on le sait, a été démembré et arraché
à sa mère patrie par les grandes puissances impérialistes qui l'annexèrent à la
Yougoslavie[80]."
Dans ces régions, l'Islam se propagea parmi la population
albanaise orthodoxe et catholique et non pas parmi la minorité slave, bien
qu'elles vivaient dans les mêmes conditions historiques. Cela est fort
compréhensible. L'influence et l'autorité de l'église orthodoxe de Peje qui se faisaient sentir plus fort sur la minorité orthodoxe slave
que sur la population orthodoxe albanaise, constituaient un obstacle sérieux à
la pénétration de la religion islamique. D'autre part, les Albanais manquaient
d'unité religieuse, d'une église à caractère unitaire. L'église orthodoxe de
Peje était à leurs yeux l'institution qui avait servi la classe féodale serbe,
c'est-à-dire la domination étrangère. D'où sa faible
influence sur les Albanais. En outre, à l'islamisation de la population
albanaise contribuèrent aussi d'autres facteurs socio-politiques
notamment les mesures de répression économique et politique et surtout la
politique d'islamisation que suivit le pouvoir ottoman pour mettre en échec la
lutte de libération du peuple albanais.
Les données onomastiques du cadastre ottoman de Rrafshi i
Dukagjinit et de Kosove témoignent que la majorité écrasante de leur population
était une population albanaise à vocation agricole, de confession catholique et
orthodoxe et portait aussi bien des noms albanais que des noms slaves ou
byzantins, qui à partir du XVIe siècle commencent à être remplacés par des
noms islamiques. L'élément ethnique serbe ne constituait là qu'une minorité de
faible importance. Cela apparaît encore mieux si on jette un regard sur la
situation des villes au XVIe siècle.
Comment se présente la composition ethnique des villes situées à
Rrafshi i Dukagjinit et en Kosove dans la deuxième moitié du XVIe siècle
(les données portant sur cette période sont abondantes), c'est-à-dire près d'un
siècle avant le soi-disant grand transfert des Serbes de la région de Kosove?
Les sources historiques attestent clairement la présence et la majorité absolue
de la population albanaise dans ces villes. Ce problème est éclairé, on ne peut
mieux par les données du cadastre ottoman de cette époque[81].
D'après ces données, la constitution de la population des villes de cette
région est la suivante: Prizren 557 maisons, Prishtina
506, Trepça 447, Novoberda
366, Vuçitem 236, Janjeva 283,
Peje 158 et Gjakove, comme village 46 maisons.
Le processus d'islamisation avait très vite pénétré dans les
villes. Les populations de Peje, Prizren, Vuçitern et Prishtine, prises
ensemble, avaient environ 65 pour cent de leurs habitants convertis à
l'islam (en total 1006 maisons par rapport à 547 familles de
confession chrétienne). Le processus d'islamisation était beaucoup moins
répandu, il n'était pas supérieur à 25 pour cent, dans les villes de Novoberde, Trepçe et Janjeve
(prises ensemble elles avaient 273 maisons de confession musulmane et 828
maisons de confession chrétienne).
Dans chaque ville prise à part le rapport entre les familles
islamisées et le nombre total de maisons est comme suit: Peje 90 pour
cent, Vuçitern 80 pour cent, Prishtine 60 pour cent, Prizren 56 pour
cent, Trepça 21 pour cent, Novoberda
37 pour cent, Janjeva 14 pour cent. Il n'y
a point de doute que la population islamisée, qui était d'ailleurs majoritaire,
était albanaise. En témoigne clairement le fait que dans bien des cas on trouve
des habitants qui, convertis à l'islam, portaient aussi bien les appellations
chrétiennes de leurs parents, que des noms caractéristiques pour les Albanais
comme Ali Gjoci, Hysein
Barda, Hasan Gjini, Ali Deda,
Ferhat Reçi, Hasan Bardhi, Iljaz Gaçja,
Hëzër Koka à Prizren;
Mustafa Gjergji, Ali le fils de Bardh,
Ahmed le fils d'Ali Deda, Rexhep
Deda à Vuçitern etc[82].
Les habitants de confession musulmane ayant des noms albanais se
rencontrent fréquemment dans les régions voisines de ces villes, même dans la
deuxième moitié du XVIe siècle, comme étaient les villages des régions de
Peje, Altun-ili, Rudine, Domeçisht, Patrishk, Hoçe et d'Opoje à Rrafshi i
Dukagjinit où le processus d'islamisation se poursuivait. Il est évident que
dans ces régions, dont la population était presque entièrement albanaise, eut
lieu le même processus d'islamisation, aussi bien dans les zones rurales que
dans les villes, à la seule différence, que dans ces dernières les rythmes de
ce processus étaient plus rapides parce que, parallèlement aux facteurs qui
entraînèrent l'islamisation de la population rurale, notamment les mesures
coercitives économiques et politiques, les facteurs administratifs d'État, culturel-religieux jouèrent également un rôle plus
important.
Que la population musulmane des villes était albanaise, cela est
aussi prouvé par les témoignages ultérieurs qu'apportent dans leurs comptes-rendus
les envoyés de la Papauté, notamment Pjeter Mazreku et Gjergj Bardhi, qui visitèrent ces régions au début du XVIIe siècle.
À propos de certaines villes, ils disent expressément que la population
musulmane en était de nationalité albanaise[83].
Les voyageurs du XVIIe siècle témoignent que dans plusieurs
cas, l'appellation "turque" qu'ils utilisent, sous-entend les Albanais
islamisés, prêtant de cette manière à ce terme un contenu religieux, sans le
considérer pour autant au point de vue de la nationalité. Cela apparaît encore
plus clairement, lorsqu'ils traitent de la population islamisée des zones
rurales. D'autre part, dans le recensement des villes, les éléments ethniques
turcs se distinguent de la façon suivante le turc Bali, le turc Ahmeti à Prishtine ou le turc Hasani
à Janjeve, ce qui atteste que la population musulmane était de nationalité
albanaise. Comme on peut s'en rendre compte, l'islamisation ne conduisit pas à
l'assimilation ethnique et culturelle de cette population. Elle fut albanaise
et le resta même pendant les autres siècles indépendamment du changement des
confessions.
Outre la population albanaise islamisée, qui constituait la
majorité, les villes en question étaient aussi peuplées d'habitants albanais de
confession chrétienne (catholiques) qui se distinguent par leurs noms purement
albanais, comme Pal, Gjon, Lika,
Deda, Doda, Kola etc. Dans
les villes de Prizren, de Janjeve, de Trepçe et de Novoberde on trouve environ 188 chefs de famille qui
portent une telle anthroponymie qui constituent environ 17,5 pour cent des
chefs de famille de confession chrétienne (à Prizren 33 pour cent, Janjeve
18 pour cent, Novoberde 12 pour cent, Trepçe 7 pour cent).
Outre les habitants à anthroponymie islamique, la population
albanaise des villes comptait aussi des habitants de confession orthodoxe,
serbe ou byzantine, comme c'en est le cas d'une partie des habitants du
quartier "Arbanas" à Janjeve, ou du
quartier "Madhiq" à Prizren.
En conclusion, on peut affirmer que les villes de Peje, Gjakove, Prizren, Vuçitern, Prishtine prises dans leur
ensemble avaient un grand nombre de chefs de famille islamisés (1006) et 547 chefs
de famille de confession chrétienne, dont 217 avaient des noms albanais et albano-slave et 330 chefs de famille en tout portant
une anthroponymie de la sphère religieuse orthodoxe slave et byzantino-grecque. Ce fait témoigne clairement que la
population de ces villes était presque entièrement d'origine albanaise. Compte
tenu du nombre d'habitants à anthroponymie slave, il en découle que le nombre
des éléments ethniques slaves était très réduit et insignifiant par rapport à
la population albanaise. Il était même inférieur à celui des chefs de famille
(330) portant une anthroponymie slave ou byzantine, car derrière cette
anthroponymie il y avait aussi cette partie de la population albanaise de
confession orthodoxe. Cet élément se trouve surtout à Prizren et à Prishtine.
Dans cette dernière il dut y avoir des colonies de marchands de Dubrovnik,
comme le laissent entendre certains noms slaves adoptés par les habitants de
confession catholique du quartier des Latins (les catholiques)[84].
L'analyse des données anthroponymiques fait ressortir que les
Albanais constituaient la majorité de la population des villes de Janjeve, Trepça et Novoberda. Ces villes
comptaient en tout 273 chefs de famille islamisés, 222 ayant une anthroponymie
albanaise et 606 une anthroponymie slave et byzantine. Dans ces villes,
l'élément slave dut être plus nombreux qu'à· Prizren et à Prishtine, ce qui est
bien compréhensible. La colonisation slave de ces villes, surtout à travers des
hommes de l'appareil administratif, religieux et des marchands, au cours du
Moyen-Âge avait été plus systématique qu'ailleurs, car ces villes en tant que
grands centres miniers répondaient mieux aux intérêts de l'État serbe. Dans ces
villes on rencontrait des éléments slaves orthodoxes ainsi que des catholiques
immigrés, notamment les marchands de Dubrovnik à Janjeve, largement mentionnés
dans la documentation de la période qui précéda la conquête ottomane. À Trepça, plus que dans les autres villes, on trouve des
habitants portant des noms catholiques croates ou orthodoxes serbes qui ont des
suffixes propres aux Slaves. Dans ces centres on rencontre également quelques
éléments saxons (allemands) venus au cours des siècles antérieurs en qualité de
spécialistes de mines[85].
La présence de minorités serbes dans ces villes est tout à fait
explicable non seulement par la proximité géographique des régions en question
des territoires habités par les Slaves, mais aussi par la domination, longue de
plusieurs siècles des Slaves dans ces régions (XIIe‑XVe
siècles), qui, ayant été des centres administratifs et religieux devinrent le
cible préféré de leur colonisation.
C'est parce que les villes de ces régions, au XVIe siècle
étaient habitées presque entièrement par des Albanais, un siècle avant le
soi-disant transfert· des Serbes de Kosove vers la fin du XVIIe siècle que
l'historiographie yougoslave avance de telles prétentions. Il peut être encore
moins question de minorités serbes dans les agglomérations rurales de Kosove,
dont la colonisation avait été encore plus faible.
Le caractère autochtone de la population albanaise de Kosove est
prouvé aussi par un autre fait très important. Comme on le sait, à partir de la
seconde moitié du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, les chefs
des insurgés albanais tinrent une série d'assemblées, ayant pour objectif
d'organiser des soulèvements de libération et de les coordonner avec la lutte
des autres peuples opprimés des Balkans et des autres États européens contre
l'Empire Ottoman. Des institutions politiques furent mises sur pied. Dans la
documentation de l'époque elles sont connues sous le nom "d'assemblées
albanaises", où ne prirent part que des représentants des insurgés
albanais. À une de ces assemblées et plus précisément à celle de Dukagjin (à Mat près de Macukull)
tenue entre 1601-1602 participèrent les représentants de 14 régions
albanaises, parmi lesquels 4 représentants de Kosove: Pjeter
Kolamari, Andrea Kolesi (Koleshi), Feta (Tetta) Kuka, le prêtre Mark Belaçi[86].
Aux assemblées albanaises de XVIe‑XVIIe siècles
ne prirent part que des représentants des régions albanaises soulevées, et en
aucun cas des représentants des pays voisins. Il est clair que les représentants
de Kosove y prirent part parce que ses territoires étaient peuplés d'Albanais.
La présence des Albanais en Kosove avant la prétendue période
(fin du XVIIe siècle) que les auteurs serbes veulent faire passer pour
l'époque où les Albanais vinrent s'installer dans ces régions, est aussi
confirmée par les données qui témoignent des débuts de l'écriture et de
l'enseignement de la langue albanaise sur ces territoires.
Les auteurs de notre ancienne littérature de XVIe‑XVIIe,
exercèrent pour la plupart leur activité dans les régions de Kosove où ils
s'efforcèrent, entre autres, de propager l'instruction en albanais, et de
mettre sur pied des écoles d'expression albanaise.
Après Buzuku, les documents de
l'époque révèlent le nom de Pal Hasi, qui vécut et
déploya son activité pendant la deuxième moitié du XVIe siècle et au début
du XVIIe. Comme son nom le laisse entendre, il devait
être originaire des régions situées au Nord-Est du pays, entre Prizren et Kukes. Il s'occupa aussi de poésie en langue albanaise.
Pjeter Budi
commença son activité dans la diffusion de la langue albanaise au début du
XVIIe siècle en Kosove où il resta pendant de longues années. Dans un
rapport envoyé à Rome, en 1621, à propos de son travail il dit entre autres: "Dans
ces régions j'ai vécu 17 ans et j'ai fait tout ce que j'ai pu faire pour
aider et éduquer ces peuples et leurs religieux [...] selon des livres honnêtes
que j'ai écrits en leur langue, aussi bien à l'intention de ceux de Serviis[87]
que de ceux d'Albanie"[88].
Dans la même lettre en albanais, Budi se plaint de la
pauvreté et de l'ignorance du peuple et exprime son regret surtout de voir
qu'il n'y avait pas d'écoles en langue albanaise. C'est de Hasi,
qu'étaient aussi Pjeter Bogdani,
Andrea Bogdani, et Luke Bogdani qui continuèrent la tradition de l'écriture de
l'albanais après Buzuku et Budi.
Après avoir fini ses études en Italie, Pjeter
Mazreku, originaire de Prizren, vers la fin de 1665
vint à Janjeve. À l'école de Janjeve, il commença à instruire les enfants de
confession catholique. Pendant la période où Pjeter Mazreku exerça son métier à cette école, les cours y furent
donnés en langue albanaise, mais après que Vinçens Matović y vint en tant qu'enseignant, il se peut
qu'ils fussent donnés en serbe[89].
Des écoles de ce genre il y avait dans diverses régions. En
1671, à Janjeve fut instituée dans la maison du curé de la paroisse de Janjeve,
une autre école en langue albanaise[90].
Dans un autre rapport Pjeter Mazreku dit: "Les langues des peuples du Sud sont très
variées. À Prizren, les catholiques s'expriment en albanais et en serbe, alors
que dans les campagnes ils ne parlent qu'albanais. La circonscription pauvre de
Prizren à elle seule, poursuit-il, a besoin de cinq curés,
mais qui connaissent l'albanais. De même que tous les autres peuples, les
Albanais, ne veulent avoir que des curés d'expression albanaise[91].
Le rôle de l'école et la nécessité de l'instruction des Albanais
apparaissent également dans d'autres rapports de Pjeter
Mazreku.
Pjeter Bogdani,
qui vécut et travailla dans ces régions vers la fin de la deuxième moitié du
XVIIe siècle, dans ses lettres adressées au Vatican et portant sur la situation
des Albanais de Kosove, traite de la nécessité de l'instruction des jeunes
garçons des Albanais[92].
Il est évident qu'en Kosove il fut mené depuis très longtemps un
travail pour faire progresser l'albanais et dispenser l'instruction en cette
langue. Les documents révèlent que ce travail commence au moins vers la fin du
XVIe siècle et a pour épicentre Prizren et Gjakove,
et s'étend encore plus à l'Est, à Janjeve, Gilan et
jusqu'aux environs de Shkup.
Cette ancienne tradition de travail et d'enseignement de
l'albanais en Kosove montre que les Albanais vivaient sur leurs propres
territoires depuis longtemps et qu'ils n'y étaient pas venus vers la fin du
XVIIe siècle.
*
* *
L'occupation ottomane ne changea pas dans l'essentiel la
physionomie et la structure ethnico-culturelle de la
nationalité albanaise de Rrafshi i Dukagjinit et de Kosove, bien qu'elle
entraînât des changements importants sur le plan politique, économique, social
et idéologique. L'instauration et la consolidation de la nouvelle administration
d'État ottomane au XVe siècle conduisit à la désagrégation définitive de
l'appareil d'État, qui avait été entre les mains de la classe féodale serbe, à
l'affaiblissement du rôle prépondérant de l'église orthodoxe serbe. La classe
féodale, essentiellement serbe, après avoir perdu une partie de ses nobles au
cours des conflits militaires qui l'opposèrent à l'État ottoman, après
l'occupation de 1455, fut expropriée de la terre à la suite de l'institution de
la propriété d'État mirie
et de la création de plus de 259 fiefs concédés à titre de tenure aux
seigneurs de la classe dominante ottomane. Ainsi donc elle fut privée de ses
domaines et éliminée en tant que force indépendante économique et politique. En
témoigne clairement le fait que dans la nouvelle classe dominante furent
intégrés à titre de spahis chrétiens, goulams, etc.,
un nombre réduit de petits féodaux, pour la plupart serbes, peu d'albanais, qui
possédaient 20,8 pour cent des fiefs et relevaient 13,2 pour cent de
la rente féodale revenant aux spahis[93].
Considérée du point de vue de la structure ethnique, au début de
l'occupation ottomane, la classe féodale était constituée dans sa majorité par
des spahis musulmans qui étaient dans la plupart de nationalité turque ou par
des éléments féodaux d'autres régions balkaniques[94],
islamisés et intégrés graduellement dans la classe féodale ottomane, dans
laquelle seront aussi assimilés plus tard, les spahis chrétiens du pays.
L'élément albanais au sein de cette classe, à l'exception de
quelques spahis chrétiens (4), était constitué aussi par d'autres féodaux
islamisés, dont certains possédaient d'importants zéamètes
comme celui d'Altun-ili (Gjakove)
et de Joshanice[95].
Du XVe au XVIe siècle, cet élément commença petit à petit à prendre
la position dominante. En font surtout état les vakufname (acte de fondation
religieuse) qui à la fin du XVIe siècle témoignent de la composition
presque entièrement albanaise de l'aristocratie féodale du pays[96].
Ses représentants occupèrent des places importantes dans la hiérarchie étatique
et militaire locale et centrale ottomane et effectuèrent plusieurs vakufname de terres, de boutiques etc., qui furent
concédées aux institutions religieuses musulmanes des villes principales.
Durant cette période, la classe féodale ottomane ne comporte pas des éléments
ethniques serbes. Cela s'explique par le fait que l'ancienne classe féodale
serbe se trouvait sur un territoire ethnique étranger, dont les changements
rendirent possible l'adoption, de la part de la classe féodale ottomane d'éléments
issus uniquement du sein de la population autochtone comme cela s'était déjà
produit sur les autres territoires albanais. C'est là un phénomène qui illustre
le fait que les larges mas·ses populaires dont ils étaient issus étaient
albanaises.
L'apparition de la classe dominante albanaise sur la scène
politique dans les régions du Nord-Est devenait désormais plus fréquente par
rapport à la période de la domination serbe lorsque s'y étaient établis
l'appareil central administratif et religieux serbe ainsi que le sommet de la
hiérarchie féodale serbe, qui empêchaient le développement de la classe féodale
albanaise plus que dans les autres régions ayant connu la domination serbe,
bien que pendant une période plus courte et de façon passagère. La classe féodale
albanaise ne pouvait pas apparaître facilement sur la scène politique comme
elle l'avait déjà fait sur les territoires de l'Albanie du Nord, où au cours
des XIIIe et XIVe siècles, s'étaient créées une série de formations
étatiques albanaises. Après avoir éliminé l'appareil d'État et la classe
féodale serbe, les nouveaux occupants ottomans, en raison de la résistance des
masses populaires et de la nécessité d'assurer un appui social sur place,
furent contraints d'accepter au sein de la classe dominante locale des éléments
féodaux autochtones, de partager le pouvoir avec eux, comme ils l'avaient déjà
fait sur bien d'autres territoires. La différence ethnique existant entre la
classe dominante étrangère et la population autochtone composée par les basses couches
populaires albanaises fut effacée graduellement dans
la plupart des cas. Au cours du moyen âge ce phénomène connut des cas analogues
dans d'autres régions des Balkans et de l'Europe.
*
* *
Voyons maintenant plus concrètement comment se présente le
problème des émigrations des Albanais des régions intérieures montagneuses en
Kosove du XVe au XVIIe siècle, problème tellement soulevé par la
historiographie yougoslave[97].
La population albanaise de Rrafshi i Dukagjinit et de la Plaine
de Kosove était autochtone et non pas étrangère, comme le prétend cette
historiographie. Bien que les données documentaires soient fragmentaires et
qu'elles n'offrent pas un tableau complet de la population albanaise habitant
dans ces régions pendant la période qui précéda l'occupation ottomane, la
situation que font ressortir les cadastres des XVe et XVIe siècles,
en attestant que ces territoires avaient été habités essentiellement par une
population albanaise, constituent l'argument massu
qui prouve que cette population y avait été présente dans la période de
domination serbe, en tant que continuatrice directe de la population
illyrienne. C'est donc une population autochtone et
non pas immigrée. En témoigne également le fait que les sources historiques connues
n'évoquent pas des mouvements de la population albanaise vers la Kosove à
partir des régions montagneuses intérieures comme Mirdita,
Dukagjin et Malësia e Mbishkodrës, mouvements qui auraient pu entraîner de
profonds changements ethniques. Bien au contraire, elles fournissent des
données qui montrent que dans la période des XVe‑XVle
siècles il n'y eut aucune possibilité démographique d'effectuer ces mouvements.
Ainsi donc, selon les derniers cadastres du XVe siècle et de la première
moitié du XVIe siècle, la population des zones montagneuses du Nord avait
été très peu nombreuse. Les régions montagneuses centrales du sandjak de Dukagjin, comme Iballa, Spasi, Fandi i Madh, Fandi i Vogël
et Puka et celles du sandjak de Shkodra (Pulti et Kelmendi) au début de
l'occupation comptaient en tout 2014 maisons (recensements des années 1485
et 1529), alors que les régions de Rrafshi i Dukagjinit et de la Plaine de
Kosove en comptaient environ 28 000[98].
Le nombre de maisons dans les régions montagneuses était fort restreint par
rapport au nombre de maisons que comptaient par exemple en 1455 des régions
particulières comme les nahijes de Vuçitern (3267 maisons),
Morava (3152), Labi (4092), Peje 4196 (en 1485). Le
nombre de maisons que comptaient en tout les régions montagneuses de l'Albanie
du Nord, d'où, on prétend que les Albanais furent partis pour la Kosove,
représentait environ 1/7 du total des maisons du sandjak de Vuçitern (14 782
maisons) ou bien environ 1/2 du nombre de maisons de la région de Peje. Voilà
donc pourquoi, même si l'on suppose que toute la population des régions
montagneuses s'était déplacée, ce qui est impossible, elle n'aurait jamais pu
changer le caractère ethnique de la population de Kosove, si jamais celle-ci
avait été entièrement serbe. D'autre part, le fait qu'au cours des XVIIe et
XVIIIe siècles il y eut dans les régions montagneuses en question un
accroissement du nombre des agglomérations par rapport à leur nombre aux XVe et
XVIe siècles[99],
montre que dans ces périodes la population ne pouvait effectuer un mouvement
considérable vers les régions voisines, et encore moins un mouvement
susceptible d'entraîner un renversement dans le rapport ethnique.
Les cadastres apportent des données qui prouvent que la
population albanaise était stable et autochtone, alors que la minorité serbe ne
l'avait pas été, elle s'était immigrée et était mobile contrairement à ce que
prétendent les auteurs serbes. D'habitude, les cadastres utilisent à propos des
chefs de famille les termes prichlac, dochlac ‑ immigré ou bien haymanegan à propos des
migrateurs. Si l'on considère les noms de ces chefs de famille immigrés on
verra qu'ils portent une anthroponymie slave.
Il est évident qu'ils n'étaient pas venus des régions
intérieures de l'Albanie du Nord, car sinon ils auraient porté une
anthroponymie albanaise, comme tous les habitants des régions comprises dans
les sandjaks de Shkodra et de Dukagjin, ce dont
témoignent très clairement les cadastres des XVe‑XVIe
siècles. La plupart des immigrés étaient des éléments ethniques slaves qui se
déplaçaient à l'intérieur de ces régions ou bien qui venaient d'autres régions
habitées par une population slave au Nord de Kosove et de Rrafshi i Dukagjinit.
Compte tenu du grand nombre de chefs de famille qui ont des noms
slaves, et à propos desquels il est établi qu'ils s'installèrent dans ces
régions aux XVe‑XVIe siècles[100],
ils est très évident que la minorité serbe au XVIe siècle était et
continuait d'être instable. Cela était dû au fait
qu'au cours des siècles d'occupation serbe de ces régions, cette population
n'était pas autochtone, mais immigrée.
Les immigrations, qui selon les données historiques et
ethnographiques s'effectuèrent au cours des XVIII‑XIXe
siècles des régions intérieures de l'Albanie du Nord en Kosove, étaient des
mouvements à l'intérieur du même tronc ethnique, tout comme cela se produisit
dans les autres régions de l'Albanie centrale et de l'Albanie du Sud. Dans la
littérature yougoslave les dimensions de ces immigrations sont agrandies à
l'extrême. Elles n'ont pas été étudiées selon les données documentaires
historiques, mais plutôt selon les données ethnographiques du XXe siècle
qui ne permettent pas de juger tout à fait correctement des phénomènes qui
eurent lieu il y a deux ou trois siècles[101].
Le nombre réduit des habitants des régions montagneuses de
l'Albanie du Nord par rapport à la population de Kosove à la fin du XVIe siècle
atteste également qu'au cours des siècles qui le suivirent la population de ces
régions n'eut aucune possibilité démographique de couvrir tout le territoire de
la Kosove même si elle eût connu les mêmes rythmes d'accroissement de la
population de cette dernière (les régions montagneuses de l'Albanie du Nord
n'avaient pas les conditions économiques et sociales nécessaires à une telle
croissance).
Les données des sources historiques, en témoignant que la
population locale islamisée avait été albanaise depuis la période qui précéda ce
processus au XVe siècle et dans la première moitié du XVIe siècle,
rejettent la thèse largement répandue dans les œuvres de bien des auteurs
étrangers, surtout des auteurs serbes, selon laquelle dans ces régions
albanaises les éléments slaves subirent un processus de "muslimanisation", qui aboutit à leur "albanisation"[102].
L'islamisation, en tant que moyen idéologique entre les mains des occupants
ottomans qui visait à assimiler les Albanais et sur le plan politique et sur le
plan culturel, ne pouvait servir de moyen à la prétendue albanisation des
slaves, car les Albanais eux-mêmes, opprimés par la domination ottomane,
voyaient l'islamisation porter atteinte à l'unité dans la lutte pour leur
libération, et constituait un facteur négatif qui non seulement agissait en vue
de leur assimilation culturelle et ethnique, mais qui freinait aussi leur développement
social, politique et culturel. Il est tout à fait absurde d'imaginer qu'un
peuple opprimé et occupé peut imposer à un autre peuple qui souffre sous le
même joug, l'idéologie de l'oppresseur et de l'occupant et à travers elle,
l'assimiler du point de vue ethnique. D'autre part, les auteurs de cette thèse,
en identifiant la position du peuple albanais, qui au cours des XVe‑XVIIe siècles continua d'opposer une résistance armée
et tenace à l'occupation ottomane avec celle de la classe féodale albanaise,
qui était une partie organique de la classe dominante ottomane, en prétendant
que le peuple albanais avait une position privilégiée sous la domination
ottomane, et qu'il n'était pas soumis à l'oppression, à l'exploitation et au
joug ottomans comme l'étaient tous les autres peuples dans le cadre de
l'Empire, traitent le problème en question à partir de position méthodologiques
idéalistes, afin de renier à tout prix le fait que la population albanaise de
ces régions était autochtone et une continuatrice directe de l'ancienne
population illyrienne. D'ailleurs il était impossible d'effectuer une
assimilation ethnique, une "albanisation" d'une population serbe,
comme on le prétend, à travers l'islamisation en une période si brève de 100 à
150 ans, lorsqu'on y rencontre une population albanaise considérable de
religion musulmane, d'autant moins qu'il n'y eut pas d'immigration d'Albanais
des régions intérieures de l'Albanie du Nord.
Il ne peut être question d'assimilation de l'élément slave de la
part des Albanais dans ces régions, car les facteurs subjectifs et objectifs
appropriés à ce processus n'existaient pas. Les Albanais musulmans, tout comme
les Albanais chrétiens sous la domination de l'occupant ottoman, au même titre
que chaque peuple balkanique et, afin de sauvegarder leur existence en tant que
peuple et nationalité particuliers, ils étaient obligés de combattre. Le peuple
albanais, pas plus que les autres peuples englobés dans le cadre de l'Empire
ottoman, ne profitait pas d'une position tellement privilégiée qui pût lui
permettre d'assimiler par la violence une autre population[103].
La position de la population raja chez les Albanais musulmans aussi était celle
d'une classe opprimée et exploitée des serfs, dont faisait également partie la
population raja chrétienne et nullement celle d'une classe féodale. Le statut de
cette population, opprimée et exploitée (les paysans raja et les citoyens
chrétiens et musulmans) est connue et est bien documentée dans les sources
historiques provenant des chancelleries de l'État ottoman.
Les auteurs de la thèse qui vient d'être évoquée n'apportent
aucun fait pour prouver leur conception. Or, les sources historiques, surtout
celles publiées ces derniers temps fournissent des données qui montrent que la
population islamisée était une population albanaise de confession catholique et
orthodoxe.
*
* *
De la fausseté de la thèse selon laquelle les Albanais auraient immigré
en Kosove après la guerre austro-ottomane des années
1683-1699, lorsqu'aurait eu lieu le prétendu
transfert de masse des Serbes de Kosove, témoigne la situation dont font le
point les documents du commandement autrichien et que connurent ces territoires
au cours des batailles communes que les armées autrichiennes et les insurgés
albanais livrèrent contre les forces ottomanes pendant les années 1689-1690.
Bref, ces documents font état de la situation ethnique que connaissaient la
Plaine de Kosove et Rrafshi i Dukagjinit juste quelques mois avant la période
où l'on prétend qu'aurait eu lieu le transfert des Serbes.
Les données de la documentation autrichienne prouvent une fois
de plus que la Plaine de Kosove et Rrafshi i Dukagjinit étaient des régions
habitées par des Albanais. Il convient de noter primo, le fait que le commandement de l'armée autrichienne couvrait
les régions comprises entre les frontières de l'Albanie et n'employaient plus à
leur sujet, le terme Serbie, dans le sens politique-religieux,
terme utilisé par bien des auteurs, surtout par des clergés des XVe et XVIe siècles,
en tant que continuation de l'intégration de ces territoires, pendant des
siècles, dans le cadre de l'État serbe et dans la même diocèse que d'autres
régions slaves de Serbie, de Macédoine et de Bulgarie etc. Les documents du
commandement autrichien, dans le mémoire du général Marsigle,
membre de l'État-major de l'armée autrichienne portant sur l'Albanie et daté du
premier avril 1690, les lettres du vicaire catholique de Shkup,
Thoma Raspasani qui
remplaça le chef des insurgés albanais, l'archevêque d'Albanie, Pjetër Bogdani, attestent que
"Prizren était la capitale de l'Albanie", que "Peje et Skoplje
étaient compris en Albanie", que dans les régions de Kosove on parlait
l'albanais. L'empereur d'Autriche, Léopold I, soulignait que ses armées se
battaient en Albanie (lorsqu'elles entrèrent en Kosove)[104]
etc. Pjetër Bogdani était
qualifié d'"archevêque d'Albanie" et l'épiscopat de Skoplje
d'épiscopat installé sur le territoire albanais[105].
Bien des oeuvres de l'historiographie autrichienne et italienne fondées sur ces
sources admettent que les territoires de Kosove étaient habitées par une
population albanaise et comprises entre les frontières de l'Albanie[106].
Secundo, les données
qui témoignent d'un grand nombre d'insurgés albanais locaux qui s'unirent à
l'armée autrichienne, en 1689, et ils étaient tellement nombreux que seule une
région habitée par une population albanaise était capable de les fournir. Comme
on le sait, cependant que les armées autrichiennes entraient sur les
territoires de la Plaine de Kosove et de Rrafshi i Dukagjinit, l'insurrection
contre la domination ottomane qui avait déjà commencé, en était à son point
culminant. Au début de novembre 1689, lorsque les forces autrichiennes
entrèrent dans Prishtine, elles eurent à affronter 5000 insurgés albanais,
alors qu'à Prizren 6000 autres insurgés albanais[107].
Le commandant des forces autrichiennes, le général Pikolominï
eut des entretiens avec les chefs des insurgés, avec l'archevêque de Skoplje, Pjetër Bogdani et avec le
patriarche de l'église orthodoxe de Peje, Andrea III
Cernojević qui dirigeait des insurgés de la minorité
serbe de Kosove.
Le commandement autrichien avait attaché une importance
particulière à la lutte des peuples opprimés des Balkans et surtout à celle du
peuple albanais, car il pouvait ainsi remporter plus facilement la victoire sur
les armées ottomanes. En réalité, la pénétration rapide des armées
autrichiennes en Albanie, jusque dans la région de Lume,
ne fut possible que grâce à la lutte que livrèrent côte à côte avec elles les
insurgés albanais de la Plaine de Kosove et de Rrafshi i Dukagjinit. Cela
devient encore plus évident si on a en vue le fait que les forces autrichiennes
qui agissaient sur ces territoires ne dépassaient pas les 8000 personnes
et étaient insuffisantes à vaincre les armées ottomanes.
Les insurgés albanais participèrent à la bataille que les armées
autrichiennes menèrent le 2 janvier 1690, dans la gorge de Kaçanik contre les armées ottomanes, bataille qui s'acheva
par la défaite des forces autrichiennes. Puis les armées ottomanes, en un bref
laps de temps, avant le printemps 1680, parvinrent à occuper à nouveau
successivement les villes de Rrafshi i Dukagjinit et de la Plaine de Kosove.
Malgré tout, des insurgés albanais faisant partie de l'armée autrichienne
continuaient de combattre contre les armées ottomanes. Ainsi donc, le 17 mars
1690, ils prirent part à la bataille qui fut livrée par le détachement
militaire autrichien commandé par Kuschenbach contre
les forces ottomanes à Novobërdë, et qui se termina
par la victoire des Autrichiens[108].
Le 23 mars 1690, 1500 Albanais incorporés dans les détachements du commandant
Schenkedorf à Pirot,
participèrent à l'expédition contre les forces ottomanes[109].
Le fait que c'étaient là des régions habitées par une population
albanaise et l'important rôle international des insurrections des Albanais, en
tant que facteur qui tenait une place primordiale dans les plans de combat des États
européens contre l'Empire ottoman, poussèrent l'empereur autrichien, Leopold Ier à lancer le 6 avril 1690 un appel aux
peuples opprimés des Balkans, et surtout au peuple albanais[110]
pour se dresser dans la lutte contre les ottomans et à redoubler d'efforts pour
renforcer ses liens avec les insurgés albanais de Kosove[111].
Les données des sources autrichiennes du XVIIe siècle sur
l'insurrection des Albanais de la Plaine de Kosove et au Rrafshi i Dukagjinit
montrent que ces régions étaient presque entièrement habitées par des Albanais.
Ces derniers temps, dans l'historiographie yougoslave divers auteurs comme par
exemple R. Veselonovič, se sont employés à
renier l'insurrection des Albanais dans cette région et dans Malësia e Mbishkodrës, en visant
à montrer que seules les minorités serbes de Kosove auraient participé à
l'insurrection et que ces insurgés kosoviens ou montagnards qui dans la
documentation autrichienne sont évoqués sous des noms albanais (albaner) et kelmendiens (klimenten) n'auraient pas été des Albanais ou des Kelmendiens, mais des Serbes[112].
Ils déforment intentionnellement ces faits historiques, car sinon ils ne
pouvaient avancer leurs thèses qui renient le caractère autochtone de la population
albanaise de ces régions.
Certains hommes d'étude comme M. Kostić,
obligés par les faits et la vérité historique, ont polémiqué avec les auteurs
ci-dessus mentionnés et admettent que l'insurrection en Kosove, était albano-serbe, que la conception territoriale de l'Albanie à
la fin du XVIIe siècle par rapport au XVe siècle s'était élargie et
comprenait désormais les territoires du Rrafshi i Dukagjinit et de la Plaine de
Kosove. Mais malgré tout, eux aussi, ils renièrent le caractère autochtone des
Albanais et à la conception Albanie couvrant ces régions, ils ne conférèrent
qu'un sens géographique et pas ethnique[113].
L'historiographie yougoslave avoue qu'au XVIIe siècle il n'y avait sur ces
territoires, qu'un nombre limité d'Albanais de confession catholique et renie
la présence de la population albanaise, orthodoxe et musulmane, qui est documentée
de façon incontestable par les rapports des clergés albanais, les sources
autrichiennes et surtout par les cadastres ottomans.
Les témoignages de la documentation autrichienne sur le grand
nombre d'insurgés albanais en Kosove et le fait que le commandement autrichien
englobait cette région entre les frontières de l'Albanie, parallèlement aux
autres témoignages de la documentation moyenâgeuse sur la présence et le
caractère autochtone des Albanais dans ces régions, montrent la fausseté des
thèses des auteurs yougoslaves et mettent en lumière la vérité historique.
Découvrant et montrant, à travers la documentation des XVe‑XVIe siècles que les régions du Rrafshi i
Dukagjinit et de la Plaine de Kosove étaient des territoires habités essentiellement
par une population albanaise, on se rend vite compte du caractère non
scientifique de la thèse de l'historiographie bourgeoise révisionniste qui
renie le caractère autochtone des Albanais sur ces territoires et les présente
comme des immigrés venus des régions intérieures albanaises à la fin du XVIIe siècle
(1690) et au début du XVIIIe siècle (1738) après la fin des batailles austro-ottomanes.
La présence de la population albanaise dans ces régions au cours
des XVe‑XVIe siècles, documentée par les
sources locales, ottomanes, autrichiennes etc., explique bien que les Albanais
étaient autochtones et non pas des immigrés après la fin du XVIIe siècle
et montre que le prétendu transfert des Serbes de Kosove, qui eut lieu après la
guerre, a été gonflé intentionnellement et présenté comme un mouvement aux
grandes dimensions qui pouvait changer immédiatement la structure ethnique d'un
territoire si vaste, afin d'expliquer par là la "déserbisation"
de cette région. En réalité c'était un transfert aux dimensions beaucoup plus
réduites des insurgés de la minorité serbe dirigés par le patriarche de Peje.
Comme on le sait, de ces régions n'émigrèrent pas seulement les Serbes en
question, mais aussi des insurgés albanais, dont les dernières traces se
rencontrent même aujourd'hui en Slovénie. Si le transfert avait été important,
il aurait laissé des traces dans la documentation de l'époque, locale, ottomane
et dans celle du Vatican, qui était largement informée par les prélats, et ses
délégués spéciaux sur la situation que connaissaient ces régions aux XVIIe‑XVIIIe siècles. Bien qu'une partie considérable
des documents de ces archives soit publiée jusqu'à ce jour il n'y est pas
question de tels mouvements importants d'une population dans la région de
Kosove.
D'autre part les données historiques montrent que les migrants
dont il est question provenaient dans leur majorité des régions serbes, situées
entre Nish et Belgrade, qui étaient devenues la
principale arène des affrontements entre les armées autrichiennes et les armées
ottomanes.
[1]. A. Jovičević,
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[2]. J. Cvijić, Osnove za geografiju i geologiju Makedonije i Stare Srbije, Posedna izdanja SA, I, 1906, XVII, 1907, XVIII, III, 1911.
[3]. Voir par exemple A. Selišev, Slavjanskoe naselenie v Albanii, Sofia, 1931.
[4]. M. Sufflay, Die Grenzen
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[7]. A. Selišev, Slavjanskoe naseleni v Albanii, Sofija, 1931.
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[10]. S. Anamali, Nga ilirët tek arbërit, Kuvendi I i Studimeve Ilire,
Tiranë, 1974, T. II,
pp. 10‑14.
[11]. P. Lemerle, Invasions et migrations dans les Balkans
depuis la fin de l'époque romaine jusqu'au VIIIe siècle, Revue
historique, CCXI, 2, 1954; S. Anamali, Ibid.,
p. 35.
[12]. S. Anamali, Nga ilirët tek arbërit, Kuvendi I i Studimeve Ilire,
Tiranë, 1974, T. II,
pp. 33, 36‑37, 41.
[13]. E. Çabej, Emri i Dardanisë dhe izoglosat shqiptaro-kelte,
Studime filologjike, Tiranë, 1973, nr. 3, pp. 55‑66; ou Studime gjuhësore, V,
Prishtinë, 1977, pp. 386‑395.
[14]. E. Çabej, Hyrje në historinë e gjuhës shqipe, Tiranë, 1960,
p. 20.
[15]. E. Çabej, Problemi i vendit të formimit të gjuhës
shqipe, Kuvendi i Parë i Studimeve Ilire, II, Tiranë,
1972, pp. 7‑26.
[16]. G. Stadtmüller, Forschungen zur albanischen Frühgeschichte,
Wiesbaden, 1966, pp. 141, 147, 154, 159 etc.; Istorija naroda Jugoslavije,
knjiga 2, f. 791.
[17]. Afin de connaître plus en détail les
conceptions de ces linguistes, voir l'appréciation qu'en a faite E. Çabej, Hyrje në historinë e gjuhës shqipe, Studime gjuhësore, Prishtinë, 1976, pp. 37‑41; Problemi i autoktonisë së shqiptarëve në dritën e emrave të vendeve, ibid., pp. 143‑148.
[18]. N. Van Wejk dans
Mededeelingen der koninklijke
Akademie van Wettenschappen
Afteelung Letter kunde, Deel 55, Serie A, nr. 3, p. 68vv;
E. Petrovici, Istoria popurului romin eglindit, in Toponimie,
Bucarest, 1964, pp. 10‑11.
[19]. H. Barié, Hymje në historinë
e gjuhës shqipe. Pri'c:htinë, 1955, pp. 48-49.
[20]. I. Ajeti, Kontribut për studimin e onomastikës mesjetare në territorin
e Malit të Zi, Bosnjës e Hercegovinës
dhe të Kosovës,
Studime Filologjike, 3,
1974, pp. 15‑27.
[21]. S. Novaković,
Zakonski Spomenici,
Beograd, 1912, pp. 123, 396, 688; S. Gashi,
Prania e etnosit shqiptar në Kosovë
gjatë shek. XIII‑XIV, dans Onomastika e Kosovës, op. cit.,
pp. 69, 72, 100.
[22]. S. Novaković,
op. cit., p. 688.
[23]. Glasnik srpskog učenog društva, knjiga XV, Beograd, 1862, p. 278.
[24]. S. Rizaj, Disa të dhëna antroponimike e toponimike mbi popullsinë e Kosovës në shek. XIV‑XV
në dritën e burimeve osmane, dans Onomastika e Kosovës, op. cit., pp. 155‑161.
[25]. S. Pulaha, Qytetet e Rrafshit të
Dukagjinit dhe të Kosovës gjatë gjysmës
së dytë të
shek. XVI, në dritën e të
dhënave të reja të regjistrimeve
kadastrale osmane, Studime historike, nr. 4,
1980, pp. 201‑202.
[26]. L. Mulaku, Mbi disa toponime
shqipe të Kosovës, dans Onomastika e Kosovës, op. cit.,
pp. 163‑172.
[27]. J. Gjinari, Struktura dialektore e shqipes e parë në lidhje me historinë
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e Studimeve Etnografike,
(28‑30 qershor 1976), Tiranë,
1977, pp. 146, 152.
[28]. A. Buda, Rreth disa çështjeve të historisë
së formimit të popullit shqiptar, të gjuhës e kulturës
së tij, Studime historike, nr. 1,
1980, p. 172.
[29]. Ibid.
[30]. K. Jirecěk
- J. Radonić, Istorija Srba, Beograd, 1922, I, pp. 154‑328;
Historia e Shqipërisi,
v. I, Tiranë, 1967, pp. 175‑176, 192,
204‑207.
[31]. À partir du XIe siècle l'appellation Albania, Albanum s'élargit sans
cesse. Au XVe siècle, le facteur politique d'Etat albanais, c'est-à-dire
les principautés albanaises des XIVe‑XVe
siècles, arriva à désigner par cette appellation les territoires qui
s'étendaient de Tivar et de Pult
au Nord à Tchameria au Sud, y compris les régions qui
au cours des siècles précédents étaient connus sous le nom d'Epire.
[32]. M. Sufflay, Povijest sjevernih arbanasa, pp. 61‑62, Historia e shqiptarëve të veriut, Serbët dhe shqiptarët, Prishtinë, 1968.
[33]. M. Sufflay, Biologie des albanischen
Volksstammes, Ungarische
Rundschau für historische und soziale Wissenschaften, V. Jahrgang, 1. Heft,
p. 12.
[34]. Zakonik Stefana Dušana, Beograd, 1870, cl. 180.
[35]. Glasnik srpskog učenog društva, knjiga XV, Beograd, 1862, p. 278; A. Handžić,
Nekoliko vijesti..., op. cit., p. 201.
[36]. S. Novaković,
op. cit., p. 688; Selo, Beograd, 1943, p. 278;
M. Tërnava, Shqiptarët në feudin...,
op. cit.,
pp. 255‑271.
[37]. S. Novaković,
op. cit., p. 620.
[38]. Idem,
p. 660.
[39]. L. Thalloczy,
C. Jireček, M. Sufflay,
Acta et Diplomata
res Albaniae Mediae Aetatis Illustrantia, I, Wien, 1913, pp. 746, 798;
M. Tërnava, Shqiptarët në feudin..., op. cit., pp. 254-271.
[40]. S. Novaković,
op. cit., p. 8, 16, 36, 46, 72, 84
etc., S. Gashi, Prania e etnosit...,
op. cit., pp. 62-81; M. Tërnava,
Shqiptarët në feudin..., op. cit., pp. 255-271.
[41]. M. Dinić, Iz istorije rudarstva, II, pp. 41,
81‑82, 93‑94.
[42]. M. Dinić, Iz Dubrovačkog arhiva, I, Beograd, 1957; le livre de M. Lukarević, suprotna strane knjige fol. 1, 8, 10,
11, 12, 15, 17, 27, 29, 33, 37, 39, 41, 42, 52, 53; S. Gashi, Prania e shqiptarëve...,
op. cit.,
pp. 103-119; M. Tërnava, Shqiptarët në qytetet..., op. cit., p. 117.
[43]. I. Bitlisi, Hest Bihist,
Manuscrit déposé à la Bibliothèque nationale de Vienne portant le chiffre
H. O. 16 a-b-c, p. 188a;
S. Pulaha, Luftërat shqiptaro-turke në reprat e kronistëve
osmanë, Studime historike, nr. 1, 1968, pp. 133‑134.
[44]. G. Musachio, Historia e genealogia
della casa Musachia,
Ch. Hopf, Chroniques Greco-Romanes,
Berlin, 1872, p. 273.
[45]. Enveri, Dustur-name, publié par M. Halili,
Istanbul, 1928, p. 85; I. Bitlisi, op. cit., p. 188a
etc.; S. Pulaha, Luftërat shqiptaro-turke...
, op. cit., p. 133.
[46]. Q. Haxhihasani, Epika historike,
t. 2, Introduction (en cours d'édition).
[47]. K. Jireček,
M. Sufflay et L. Thalloczy
soulignent que les Slaves de Dalmatie et du Monténégro n'entendaient jusqu'aux
derniers temps par "Arbanas" que l'Albanais
catholique. Voir K. Thalloczy, K. Jireček, Zwei Urkunden aus Nordalbanien,
Illyrisch-Albanische Forschungen,
München und Leipzig, 1916,
v. I, p. 126; M. Sufflay, Les Serbes et les Albanais, Tirana,
1926, p. 35; Biologie des Albanesischen Volksstammes,
dans Ungarische Rundschau,
I, (1916-1917), p. 3.
[48]. S. Pollo, Mite përballë realitetit,
Gazeta "Drita", 28 qershor
1971, pp. 15‑16.
[49]. A. Stojanovski, Eren I. Kratovskata
nahija bo XVII vek, Glasnik Nacionalnovo Instituta, Skopje, XV, 1971,
nr. 1, pp. 61‑92.
[50]. Le cahier du cadastre du Kosova
1455, (sans Rrafshi i Dukagjinit) a été publié, H. Hadžibegić,
A. Handžić, E. Kovačevič,
Oblast Brankovica,
I, II, Sarajevo, 1972.
[51]. C'est l'homme d'étude A. Handžić qui les a relevés pour la première fois. Bien
qu'il ait apporté par là une contribution, d'autre part, en suivant strictement
le critère onomastique qui met un signe d'égalité entre le caractère de
l'onomastique et le caractère ethnique de ses porteurs, il aboutit à la
conclusion erronée que là majorité écrasante de la population était composée de
Serbes et non pas d'Albanais. Ainsi donc, il a considéré la population
orthodoxe albanaise comme une population slave. A. Handžić,
Nekoliko vijesti... , op. cit.,
pp. 201‑209.
[52]. À propos des recensements dans ces régions
voir: S. Pulaha, Defteri i regjistrimit të sanxhakut të
Shkodrës i vitit 1485,
I, II, Tiranë, 1974 (y
compris une partie de Rrafshi i Dukagjinit: les régions de Peje, Gjakova, Suhagërle); Elementi shqiptar sipas onomastikës së krahinave të
sanxhakut të Shkodrës në vitet
1485-1582, Studime historike,
nr. 1, 1972, pp. 63‑102, nr. 2, 1972, pp. 181‑197;
nr. 4, 1972, pp. 175-227; Nahija e Altun-ilisë dhe popullsia e saj në fund të
shek. XV, Gjurmime albanologjike,
nr. 1, 1971, pp. 193‑272; Krahinat verilindore të sanxhakut të Dukagjinit, Hasi dhe popullsia
e tyre në gjysmën e dytë të shek. XVI,
Gjurmime albanologjike (Seria Historike), II, 1972, pp. 185‑336; Të dhëna ekonomike dhe demografike për krahinën e Opoljes (Opojës) në gjysmën e dytë
të shek. XVI, Studime historike, nr. 3, 1975, pp. 101‑135; Të dhëna ekonomike dhe demografike
për krahinën e Hoçës-regjistrimi kadastral i vitit 1951, Studime historike, nr. 1, 1976, pp. 137‑208,
nr. 2, 1976, pp. 85‑124.
[53]. Il est des auteurs serbes qui se sont évertués
à montrer que les habitants qui portent des noms albanais et qui sont évoqués
dans les bulles d'or de Deçan, ne seraient pas des
Albanais, mais des Serbes. Voir p. ex. S. Stanojević
dans Lična imena i narodnost u Srbiji, srednjeg veka, Južnoslovenski filolog, VIII, 1928‑29. Tandis que les auteurs comme K. Jirećek, S. Ncivaković
et récemment A. Handžić ont attribué aux
anthroponymes albanais un sens ethnique et ont admis qu'ils se rapportaient à
des Albanais. Voir p. ex. Handžić, Nekoliko vijesti... , op. cit., pp. 201‑21l.
[54]. S. Pulaha, Nahija e Altun-ilisë... , op. cit., p. 195.
[55]. S. Pulaha,
Defteri i regjistrimit..., op.cit.,
p. 34.
[56]. S. Pulaha,
Krahinat verilindore... , op. cit.,
pp. 185‑210.
[57]. Idem,
p. 205.
[58]. I. Zamputi, Relacione, Tiranë, 1963, v. 1, dok. 37,
cahier. 277v, 280 (p. 433).
[59]. S. Pulaha, Të dhëna ekonomike... , op. cit., pp.
101-108.
[60]. Idem,
pp. 137‑150.
[61]. Idem,
p. 141.
[62]. S. Pulaha,
Defteri i regjistrimit..., op.cit.,
p. 40.
[63]. S. Novaković, op. cit., p. 688.
[64]. S. Pulaha, Krahinat verilindore... , op. cit.,
p. 206.
[65]. S. Pulaha,
Defteri i regjistrimit..., op.cit.,
p. 37.
[66]. Le recensement de la population de Kërcove a été publié par S. Pulaha, Nahija e Altun-ilisë... , op. cit.,
pp. 197, 198, 266‑268.
[67]. M. Dinić, Iz Dubrovačkog
arhiva, I, Belgrade, 1957, fol. 1, 8, 10, 11, 12,
15, 17, 26, 27, 29, 33, 37, 39, 42, 52.
[68]. A. Handžić, Nekoliko vijesti...
, op. cit., pp. 205‑207.
[69]. Tapu ve kadastro umum
müdürlügünün Arşivi; defteri mufassal livai Prizren, nr. 155,
pp. 13‑17; S. Pulaha, Qytetet e Rrafshit...,
op. cit., p. 201.
[70]. M. Tërnova, Shqiptarët në qytetet..., op. cit., p. 129‑130.
[71]. S. Pulaha,
Qytetet e Rrafshit..., op. cit., pp. 201‑202; Gjurmime albanologjike (Seria historike), IX, Prishtinë, 1980, pp. 30‑32.
[72]. S. Pulaha,
Qytetet e Rrafshit..., op. cit.; Gjurmime
albanologjike, (Seria historike), IX, Prishtinë, 1980,
pp. 31‑32, 202.
[73]. S. Pulaha,
Defteri i regjistrimit..., op.cit., p. 36.
[74]. Ibid.,
pp. 35‑36, 42.
[75]. À ce critère s'en sont tenus généralement tous
les auteurs yougoslaves du passé et de nos jours. C'est en effet ce critère
qu'a suivi récemment A. Handžić, un des
auteurs de la publication du cadastre de Kosovo de l'année 1455 (voir son
écrit: Nekoliko vijesti... , op. cit.).
[76]. Afin de mieux comprendre la grave situation à
laquelle s'était réduite la population albanaise sous la domination serbe, il
convient de rappeler ce qu'écrit en 1332 Guillaume Adam, archevêque de Tivar: "Parce que les peuples dits latin et albanais
sont opprimés par le joug insupportable et la domination féroce du roi des
Slaves, qui pour eux est exécrable, parce que leur peuple est chargé d'impôts,
leur clergé est persécuté et méprisé, leurs évêques et leurs ecclésiastes sont
souvent attachés aux chaînes, leurs nobles sont bannis..."
Voir: Brocardus, Directoriurn ad Passagium Faciendum, "Historiens des croisades",
Historiens Armeniens, II,
pp. 484‑485; Sources choisies de l'Histoire de l'Albanie (Xe‑XVIe siècles), t. II,
Tirana, 1962, p. 112.
[77]. Se fondant sur le grand nombre de toponymes
slaves sur les territoires albanais et s'en tenant au critère selon lequel
chaque agglomération portant une toponymie slave avait été un territoire habité
par les Slaves, beaucoup d'hommes d'étude aboutirent à la conclusion erronée
qu'au cours du XVe siècle, les Albanais de l'Albanie du Nord auraient habité
uniquement les régions montagneuses, alors que les Slaves auraient dû vivre sur
les autres territoires, surtout dans les plaines Selon eux, ce n'est qu'à la
fin du XVIIe siècle, et au début du siècle suivant que les Albanais, en tant
que population à vocation pastorale, furent amenés grâce aux facteurs économico-politiques à se déplacer des régions montagneuses
intérieures vers les zones occidentales comme Kraje, Merkod, Shestan, Kuç etc., ainsi que vers les zones orientales du Rrafshi i
Dukagjinit et la Kosove. Parmi ces hommes d'études citons: A. Selišev, Slavjanskoe naselenie v Albanie, Sofja,
1931; A. Jovičević, Crnogorsko primorje i Krajini, Srbski etnografski zbornik, Belgrade,
1922, knjiga XXIII;
M. Filipović, Has pod Pastrikom,
Sarajevo, 1958; A. Urošević,
Kosovo, op. cit.; U. Zaimov, Bolgarskie geografičeskie
nazvanii v Albani XV veka, Studia Balkanika, I, Sofia, 19'70 ;
G. Stadtmül1er, Forschungen zur albanischen Frühgeschichte, pp. 148‑160.
[78]. Citons à ce propos quelques exemples de
diverses régions: les villages Dolina Prekala ou Zahaç, Gorna Prekala ou Dujak, Bardoniq ou Zym (dans la région de Peje), Bardon
ou Belan, Selo kuqe ou Zllatar, Shengjin ou Rashe, Rashe e vogël ou Buksh (dans la région de Shkoder)
etc. Voir: Le cadastre du sandjak de Shkoder de l'année 1485, pp. 35‑39.
[79]. L. M. Ugolini,
Pagine di storia
Veneta, La lettre de l'assemblée de Dukagjin, 5 fé:vrier 1602, pp. 21‑23, A. S. V. Consiglio dei Dieci, Comunicate, Filza 2 d.
[80]. Enver Hoxha, Rapport présenté au VIIIe Congrès du PTA, Tirana, 1981,. éd. fr., p. 217.
[81]. Tapu ve kadastru umum
müdürlügünün Arşivi; defteri mufassal livai Prizren, nr. 55, pp. 13‑17; Defteri mufassal livai Dukagin, nr. 63,
cahier 41; Defteri mufassat livai Iskenderiye,
nr. 59, pp. 141‑144, Defteri Mufassal livai Vuçitern,
nr. 124, cahiers 1‑7, pp. 95‑97, 112-115, 229‑231,
311‑315. Publiés dans "Studime historike» nr. 4, 1980. Voir S. Pulaha: les villes du Rrafshi i Dukagjinit et de
Kosove durant la seconde moitié du XVIe siècle à la lumière des nouveaux
cadastres ottomans, Studime Historike,
nr. 4, 1980, pp. 183‑215; M. Tërnava,
Shqiptarët në qytetet...,
op. cit.,
pp. 105‑145.
[82]. S. Pulaha,
Qytetet e Rrafshit..., op. cit., p. 197.
[83]. I. Zamputi, Relacione, v. I, p. 337
(Starine, v. XXXIX,
p. 23).
[84]. S. Pulaha, Qytetet e Rrafshit..., op. cit.,
p. 204.
[85]. Idem,
pp. 204‑205.
[86]. L. M. Ugolini,
Pagine di storia
Veneta, op. cit.
[87]. Sous l'appellation Serbie l'église catholique
entendait une diocèse comprenant aussi la Kosove, la
Macédoine et la Bulgarie.
[88]. J. Rexhepagiq, Shkollat shqipe dhe veprimtaria e shkrimtarëve pedagogë dhe e punëtorëve arsimorë shkiptarë në shek. XVII,
"Përparimi", 6‑7, année XV, Prishtina, 1969, p. 515,
"Historia e letërsisë shqipe",
I, Tirana, 1959, pp. 202‑203.
[89]. Idem, p. 510 (Starine, Knjiga XX, Zagreb, 1892, p. 197).
[90]. Historia e Shqipërisë, I, Tirana, 1959,
p. 376.
[91]. J. Rexhepagiq, Shkollat shqipe..., op. cit., p. 517, Starine,
XXXIX, p. 11.
[92]. Idem,
p. 519; Ispisi iz Vatikana, bl: IV, doc. nr. 80 de 20 novembre 1672, Skoplje et le doc. nr. 86, Lettre de André Bogdani de
Novoberde, 3 octobre 1654.
[93]. Cela se produisit il la suite de la création,
en 1455, de 177 fiefs (171 timars, 4 zéamètes, 2 hasses) dans la
Plaine de Kosove et dans la région de Peje de 82 fiefs (75 timars, 7 zéamètes, une
partie hasse). Là aussi les Ottomans mirent en
application le système de goulam et des spahis
chrétiens, visant par là la ruine de la classe féodale antérieure. En 1455 en
Kosove, les spahis goulams possédaient 11,3 pour
cent des fiefs (15 spahis et 9,8 pour cent de la rente féodale des
spahis; dans la région de Peje 0 pour cent. Dans la Plaine de Kosove, les
spahis chrétiens possédaient 15,2 pour cent des fiefs (27 timars de 177 en tout) et 3,9 pour cent de la
rente revenant aux spahis; en 1485 dans la région de Peje ils possédaient
14,6 pour cent des fiefs (12 fiefs de 82 fiefs en tout) et
12,4 pour cent de la rente revenant aux spahis. Ils possédaient
54 fiefs de 259 qui étaient en tout et 325 965 akçe
de 2 451 533 akçe qu'était la rente totale
dans la Plaine de Kosove en 1455 et dans la région de Peje en 1485.
[94]. En 1455, on trouve là des spahis musulmans de
Vardar (9), Vidini (2), Manastir
(3), Kostur (2), Shehirkoj
(2), Kopry1y (2), Serezi
(1), Terhalla (4), Vranja
(2), Anatolie (4) etc.
[95]. C'étaient en 1485 Ajaz
bey, le fils de Kuka, qui possédait le zéamète de Joshanice (31 166
akçe), Mirza bey le fils de
Jurme copropriétaire du zéamète
de Altun-ili (39 617 akçe).
[96]. On y évoque de puissants féodaux albanais comme
Kukli bey et son fils Mehmet,
Mehmd bey le fils de Hezer Kuka, Ahmet bey Dukagjin Zadeja, Sofi Sinan Pacha de Lume, Ajas Pacha et son frère vezir Koxha Sinan pacha avec son
fils Kaçanikli Mehmet pacha
du village Topojan, Suzi Çe1ebi de Prizren, Haxhi bey le
fils de Theodhor Muzaka
etc.
[97]. Cette question a été traitée dans un grand
nombre d'ouvrages de l'historiographie yougoslave du passé et actuelle,
notamment dans ceux de J. Tomić,
V. Gjorgjević, M. Filipović,
B. Nushić, J. Trifunofski,
A. Urošević etc.,
que nous avons évoqués plus haut. La synthèse en est
faite dans Istorije naroda Jugoslavije, Beograd, 1960, pp. 89, 794, 796.
[98]. Selon le recensement de 1455 la Kosove comptait
14 782 maisons. (H. Hadžibegić,
A. Handžić, E. Kovacević,
Oblast Brankovića,
Sarajevo 1972), les régions de Peje, Altun-ili et de Suhogërles englobées dans le sandjak de Shkodra en 1485,
avaient respectivement 4196, 916, 949 maisons (S. Pulaha, Defteri i regjistrimit...,
op.cit.; Elementi shqiptar sipas..., op.cit., pp. 188‑194.) À propos des sandjaks de
Prizren et de Dukagjin: voir N. Todorov, Za demografskoto sostojanie na balkanskija poluostrov prez XV‑XVI vek, Godišnjak sofiskija
universitet tom LIII, 2, Sofija, 1960, f. 206, 208 (apporte des données extraites
des cahiers de l'impôt de Xhizje - de 1488-1490).
[99]. Voir S. Pulaha, Mbi formimin e krahinave
të vetëqeverisura në malësitë e sanxhakut
të Shkodrës në shek. XV‑XVII,
La Conférence nationale des études ethnographiques, p. 158.
[100]. Selon le recensement de 1455 il y avait dans la
Plaine de Kosove 679 chefs de famille qualifiés d'immigrés, alors qu'en 1485
les zones de Peje et de Gjakova en comptaient 158.
[101]. À ce propos on cite ces exemples typiques:
A. Uroševič, Kosova, op. cit., pp. 78‑80, 96‑100,
etc. Du même auteur, O plemenskih imena na drugo stanovništo, Naučno Društvo BiH, Godišnjak,
knjiga II, Sarajevo, 1961,
pp. 199, 203; J. Trifunovski, Kačăničkă klisura,
Beograd 1950, p. 492; M. Filipović, Has pod Paštrikom, op. cit., pp. 40, 51.
[102]. Voir, p. ex. J. Tomić,
Les Albanais dans la vieille Serbie, op. cit., pp. 1‑58; M. Filipović, Has pod Paštrikom,
op. cit., pp. 26‑28, 37, etc.;
A. Urošević, Kosova, op. cit., pp. 95‑105, 327.
[103]. Voir également A. Hadri,
Disa fjalë mbi përhapjen e islamizmit në Ballkan,
"Rilindja", 7 mars 1981.
[104]. Haus-Hof und Staatsarchiv Wien, Kriegsarchiv, Feldakten 1689, Fasz. 167, 13, (Annotationes
und Reflexiones nr. 5)
Bogen 4a, 20-20a, 32a, 33, 35-35a, 36-36a, 62;
H. Gerba, Die Kaiserlichen
in Albanien 1689, dans Mitteilungen des KK Kriegs-Archiv, Wien, 1888,
pp. 136, 148, 240; M. Kostić, Iz istorije narodnog srbsko-arbanaskog ustanka protiv turaka iz austrijski
vojsku 1689-1690, Istorijski
Glasnik, 1‑2, 1960; Završni bilans polemike o srpsko-arbanaskom
ustanku protiv turaka iz austrijski
vojsku 1689-1690, Beograd, 1962, pp. 3‑5,
8.
[105]. Haus-Hof und Staatsarchiv, Wien, Kriegsarchiv, Feldakten 1960, 13,
7; M. Kostić, op. cit.,
p. 7.
[106]. H. Gerba, op. cit.; C. Contarini, Storia dela guerra di Leopoldo Primo imperatore e dei principi collogati contro il Turco-dall'anno 1683, fino alla pace, Venezia,
1710.
[107]. H. Gerba, op. cit.,
pp. 136, 148.
[108]. Idem,
pp. 136, 148.
[109]. Ibid.
[110]. M. Kostić, O ulozi franjevca Tome Raspasanovića
u austro-turskom rata na Kosovskom
i ugarskom-erdeljskom frontu
krajem XVII veka, Istorijski Glasnik, nr. 3‑4, 1957, p. 83; O postanku i značenja Ratzv. Invitatorija Leopolda I balkanskim narodima od 6 aprila 1690, Istorijski časopis, SAN II, Beograd, 1951, 150.
[111]. M. Kostić, Prilozi istoriji srbsko-arbanaskog ustanka
1689-1690, en Arhiva za arbanasku
starinu, knjiga II, 1924, p. 20.
[112]. R. Veselinovič, Die "Albaner" und
"Klimenten" in den
österreichichen Quellen zu Ende des 17. Jahrhunderts, Historischgeografische
und ethnografische Abhandlung, dans Mitteilungen des
osterreichischen Staatsarchivs,
13. Band, Wien, 1960, pp. 195‑300.
[113]. M. Kostié, Prilozi istoriji..., op. cit., pp. 186‑187; Iz istorije narodnog..., op. cit.; Završni bilans..., op. cit.,
pp. 1‑12.